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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

qui se rencontrent dans l’Asie Mineure, nous verrons qu’ils sont presque tous construits sur le modèle de l’Odéon de Périclès, c’est-à-dire couverts, voisins des grands théâtres[1], et souvent liés à ces derniers par une galerie, ainsi qu’on peut le voir à Catane. En cas de pluie, ce passage permettait aux spectateurs de se réfugier dans l’odéon, où l’on continuait peut-être la pièce devant un moins nombreux auditoire. Ce qui me porte à émettre cette conjecture, c’est la répugnance que les anciens éprouvaient à laisser inachevées des solennités faisant, comme celles-ci, partie du culte public.

Quelques antiquaires ont pensé, d’après Plutarque, que Périclès bâtit son odéon pour la musique seule ; mais les mots de μοῦσικῆς ἀγών, qu’il emploie, ont un sens plus général et peuvent s’appliquer aux tragédies, aux comédies et aux drames satyriques, ainsi qu’à toutes les compositions où la musique et la poésie étaient unies. De plus, suivant le scholiaste d’Aristophane, on ne faisait pas seulement dans l’odéon l’essai de la musique, mais aussi celui des vers[2]. Ce ne fut que plus tard, et surtout chez les Romains, que les odéons servirent exclusivement de salles de concert[3]. Alors on bâtit ces édifices isolés et indépendans des théâtres, tels que celui d’Hérode à Athènes, de Domitien et de Trajan à Rome, d’Hadrien à la Villa Tiburtina, etc. Il est remarquable, d’ailleurs, que dans les Gaules, où des théâtres pourvus de toits semblaient mieux convenir au climat que des théâtres abrités seulement par des toiles, l’on trouve des ruines nombreuses de théâtres découverts, d’amphithéâtres ; de cirques, et presque aucune trace certaine de petits théâtres couverts, ou d’odéons.

Dans les répétitions, le poète ou l’hypodidascale n’avait plus seulement à former la diction de chacun des acteurs en particulier ; il devait régler le jeu de tous à l’égard les uns des autres, et veiller au bon effet de l’ensemble ; il devait s’assurer de l’état des décorations et des machines ; enfin il devait instruire un fonctionnaire spécial chargé de diriger toutes les parties de la représentation. Ce nouveau fonctionnaire était le directeur de la scène ; on l’appelait designator scenarum[4] ou procurator ab scena[5]. Il n’est pas certain que les Grecs aient eu un pareil officier théâtral, à moins que ce ne fût, comme je

  1. On lit dans Stace (Silv., lib. III, V, 91) : « Et geminam molem nudi tectique theatri. »
  2. Schol., in Aristoph. Vesp., V, 1104.
  3. Il est remarquable qu’on ait donné aux jubés de quelques-unes de nos vieilles cathédrales le nom d’odéon.
  4. Grut., Inscript., pag. 270, 6.
  5. id., ibid., pag. 331, 4. — On trouve encore Procurator scænicorum (Murator., Inscript., pag. 904, 9) et Procurator scænicus (Insc., ap. Schiass., Guido al Mus. Bol., pag. 127), peut-être avec un sens différent.