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semble plus dans le vrai quand il soutient que ce n’est qu’un conseil donné au quatrième interlocuteur d’être ménager de ses paroles. Horace, suivant lui, ne dit pas taceat mais non laboret loquendo. Cette explication s’accorde avec ce que Pollux nous apprend de l’introduction facultative d’un quatrième interlocuteur, qu’on choisissait, le cas échéant, parmi les choreutes et qu’on appelait παραχορήγημα[1].

Quelques modernes, prenant, comme Lambin, trop à la lettre l’opinion de Diomède dramata tres personæ solæ agunt, ont soutenu que trois personnes suffisaient en Grèce à la représentation de tous les drames[2]. Il est bien vrai que, s’il n’y avait jamais eu à la fois plus de trois personnages en scène, il eût suffi, à la rigueur, pour remplir tous les rôles, de trois acteurs qui eussent changé rapidement de costume et de masque. Je crois, pour mon compte, que si on employa jamais cet expédient, ce ne fut que dans de rares occasions. Par exemple, les personnages protatiques, ou en dehors du drame[3], et qui, comme dans presque toutes les pièces d’Euripide, ne paraissaient que pour faire l’exposition ou amener le dénouement, pouvaient, sans inconvénient et à la faveur du masque, s’acquitter de plusieurs rôles. Dans les autres cas, je pense avec Visconti[4] qu’aux trois acteurs officiels et titulaires on joignait, suivant le besoin, quelques choreutes ou comédiens supplémentaires, personæ adjunctæ, comme dit Donat, lesquels ne possédaient ni rang ni nom dans la troupe, vrais acteurs postiches, qui, comme le dit un ancien, n’avaient de comédiens que l’apparence.

Nous connaissons, au moins de nom, quelques-uns des auxiliaires d’Eschyle ; d’abord, Téleste qui obtint, par l’énergie de sa pantomime, un succès éclatant dans Les sept chefs devant Thèbes[5], puis Cléandre et Mionisque[6].

Sophocle fut le premier poète qui, par suite de la faiblesse de sa voix, se dispensa des fonctions de comédien[7]. Encore se montra-t-il dans plusieurs rôles, notamment dans celui de l’aveugle Thamyris, où il paraissait une lyre à la main, et dans celui de Nausicaa[8].

    Ce grammairien se contredit un peu lui-même en ajoutant (pag. 489) : Personæ diverbiorum aut duæ aut tres, raro autem quatuor esse debent ; ultra augere numerum non licet. On voit qu’il est ici dans la pure doctrine grecque.

  1. Poll., lib. IV, § 110.
  2. Groddeck réfute cette opinion, qu’il prête à tort à Lessing. V. Prolus. de scena Græcor., pag.  63.
  3. Extra argumentum. Donat., in Hecyr.
  4. Recueil de pièces intéressantes publiées par Jansen, 1796, tom. III, pag. 289 et suiv.
  5. Athen., lib. I, pag. 22, A
  6. Vit. Æschyl., pag. 11
  7. Vit. Soph., pag. 2.
  8. Athen., ibid., pag. 20, F.