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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

teraient qu’il ne s’agit là que de chœurs cycliques, je répondrais, que plusieurs monumens[1] nous montrent des poètes enseignant des femmes, dont le masque est relevé[2], et qui ne peuvent être que des mimœ ou des femmes faisant partie de chœurs scéniques. Winckelmann, qui reconnaît que les femmes grecques dansaient et chantaient sur le théâtre dans les chœurs[3], a publié un bas-relief représentant un poète assis et tenant de sa main gauche un masque de femme. Devant lui sont posés sur une table deux autres masques, l’un tragique et l’autre satyrique. Plus loin, une femme debout, et sans aucun attribut allégorique, semble chanter ou réciter un rôle. La noblesse de sa pose ne permet pas de supposer que ce soit une femme mime. Il serait donc possible que ce fût une συγχορεύτρια, c’est-à-dire une femme appelée à tenir sa place dans un chœur scénique, ou peut-être une πραγῳδὸς γυνή, sorte d’actrice chantante, dont nous parlerons ailleurs. Quoi qu’il en soit, c’est une chose bien remarquable que de rencontrer dans l’antiquité des mots relatifs aux choreutes employés au féminin. Sans parler du mot χορῖτις, qui peut-être n’a pas été pris dans le sens théâtral[4], ni du mot χορευσασα, que nous offre une ancienne inscription[5], nous trouvons dans Pollux, comme tirés d’Aristophane, συγχορεύτρια et τριτοστάτις,[6]. Si nous n’insistons pas davantage sur cet argument, c’est que ces expressions, qui appartiennent à des comédies perdues, pouvaient avoir dans la place qu’elles occupaient un sens différent de celui qu’elles présentent.

Au reste, le mot τριτοστάτις, qui se rapporte à la hiérarchie établie entre les choreutes, indique assez que ceux-ci ne remplissaient pas tous sur l’orchestre des fonctions égales. Le chef du chœur s’appelait coryphée. C’était lui qui donnait le ton des airs et qui servait d’organe au chœur, quand celui-ci prenait part au dialogue. D’ailleurs, le coryphée ne présidait le chœur que pour la déclamation et le chant[7]. Quant aux marches et aux danses, un autre choreute servait de guide. On le nommait χοροστάτης[8]. Venait ensuite le παραστάτης ;[9], et en troisième ligne le τριτοστάτης. Il y avait, de plus, le chef de l’aile droite, δεξιοστάτης et le chef de l’aile gauche, άριστεροστάτης ;

  1. Raspe, Tassie’s a descriptive catalogue, n. 3564, 3565.
  2. Beaucoup de pierres gravées offrent des têtes de femme portant ainsi le masque relevé. id., ibid., n. 4057-4060.
  3. Winckelm., Monum. antich. ined., tom. II, pag. 252, tav. 192.
  4. Callim., Hymn. in Dian., v. 13, et in Del., v. 306.
  5. Murator., Inscript., tom. II, pag. 661.
  6. Poll., lib. IV, § 106.
  7. Lucian., De merced. conduct., cap. XXVIII.
  8. Julian. Caes., Epistol. ad Jamblic., pag. 421, A.
  9. Aristot., Politic., lib. III, cap. II, tom. I, pag. 226, ed. Barthélemy Saint-Hilaire.