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réunir les choreutes ni avant le lever ni après le coucher du soleil[1]. Des règles d’hygiène, dont Aristote a essayé de rendre raison[2], avaient fait établir les exercices de chant le matin, avant le repas, tant pour les comédiens que pour les choreutes.

Pendant tout le temps que durait l’apprentissage des chœurs, le chorège, qui devait avoir atteint l’âge de quarante ans[3], nourrissait les συγχορευταί, c’est-à-dire les membres d’un même chœur, de la manière la plus délicate et en même temps la plus propre à fortifier la voix[4]. On leur faisait prendre même à cet effet des breuvages qui n’étaient pas toujours sans danger[5].

Si les choreutes que les tribus fournissaient aux didascales eussent été tout-à-fait étrangers à la musique et à la danse, il eût fallu bien du temps et des peines souvent perdues, pour les rendre capables de paraître convenablement sur l’orchestre. Mais grace à l’éducation que recevaient les jeunes Grecs, tous étaient plus ou moins initiés, dès l’enfance, à la danse et à la musique. La plupart, suivant Aristoxène, s’exerçaient de bonne heure à la gymnopédie, à la pyrrhique et à la chironomie, ce qui assouplissait leurs membres et les rendait propres à l’orchestrique[6]. Quant au chant, voici en quels termes la Justice, personnifiée dans les Nuées d’Aristophane, décrit l’éducation musicale que recevait la jeunesse d’Athènes :

« Je vais dire quelle était l’ancienne éducation d’Athènes aux jours florissans où mes leçons étaient écoutées, et où la modestie régnait dans les mœurs. D’abord, il n’eût pas fallu qu’on entendît un enfant causer avec ses voisins. Les jeunes gens d’un même quartier allaient en silence chez le joueur de cithare, traversant les rues, nus et en bon ordre, la neige tombât-elle comme la farine d’un tamis. Là, ils s’asseyaient sans se toucher, et on leur apprenait ou l’hymne : « Redoutable Pallas, » ou « Cri terrible. » Ils conservaient la brave harmonie des airs que nous ont transmis nos aïeux. Si l’un d’entre eux s’avisait de chanter d’une manière bouffonne, ou avec les inflexions molles et recherchées introduites par Phrynis, il était frappé et châtié comme ennemi des muses[7]. »

Plaute et Térence, dont les comédies reproduisent, comme on sait, les mœurs grecques, nous montrent à Athènes et à Cyrène de jeunes filles se rendant aux écoles de chant. Cet usage s’établit à Rome, même pour les ingénues, comme nous l’apprennent les éloquentes

  1. Æschin., in Timarch., loc. cit.
  2. Aristot., Probl., sect. X, § 22.
  3. Cette règle n’était pas sans exception. Voy. Plutarch., Demosth., cap. XII.
  4. id., de Glor. Athen., cap. vi, pag. 349, A.
  5. Antiph., Orat., XVI, pag. 771.
  6. Athen., lib. XIV, pag. 631, C.
  7. Trad. de M. Artaud.