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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

Toutes ces provinces sont d’ailleurs mécontentes, et toujours prêtes à se soulever contre le gouvernement central, qui les néglige, les opprime et les appauvrit. Il n’est plus permis de douter que dans Chihuahua, Durango, Cohahuila, San-Luis, le Nouveau-Léon, une grande partie de la population ne soit disposée à se séparer du reste du Mexique et à former avec le Texas, ou sous sa protection, une république fédérative, qui atteindrait bientôt le golfe de Californie. Si le général Santa-Anna, pendant sa présidence intérimaire, avait voulu accueillir les propositions du colonel Bee, envoyé texien, il aurait éloigné la réalisation de ces projets de démembrement. Mais il ne l’a pas osé, et, violant le traité auquel il devait la liberté et la vie, il a même demandé au congrès les moyens de poursuivre la guerre. La guerre se poursuit donc, et l’avenir reste ouvert avec toutes ses chances. On voit que, dans cette question du Texas, les républicains du Mexique sont, pour l’aveuglement, l’obstination et l’extravagance, tout-à-fait au niveau de Ferdinand VII dans la question des colonies espagnoles. Malheureusement, ce n’est pas la seule ressemblance que présente l’état social et politique du Mexique avec toutes les misères de son ancienne métropole. Je me hâte d’ajouter, pour l’honneur de l’Espagne, que chez elle au moins le mal n’est pas, comme au Mexique, sans dignité, sans compensation et presque sans espoir.

Il n’en sera pas ainsi du Texas. La population de cette nouvelle république donnera, je l’espère, un éclatant démenti à ses détracteurs. Le travail, qui est pour les nations comme pour les individus un puissant principe de moralité, fait déjà sentir au peuple texien son heureuse influence ; plusieurs lois récentes attestent que le gouvernement et le congrès ne négligent rien pour réprimer la licence, propager l’instruction et favoriser les habitudes religieuses. C’est surtout depuis l’avènement du général Lamar à la présidence, que les pouvoirs publics ont embrassé cette noble tâche avec une plus vive sollicitude, et bientôt, sans doute, l’état social du Texas, amélioré par leurs communs efforts, aura fait oublier que sa population s’était recrutée parmi les plus turbulens caractères et les plus aventureux enfans de la démocratie anglo-américaine.


Frédéric Leclerc.