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Je n’ai pas perdu de vue les affaires du Texas en traçant ce tableau. Les évènemens de cette province se rattachent, par les liens les plus intimes, et au pronunciamiento de la Vera-Cruz en janvier 1832, et au changement de la constitution mexicaine en 1835. On pourrait même dire qu’à partir de 1832, ils se confondent avec l’histoire personnelle de Santa-Anna. En effet, les colons texiens qui avaient attaqué le fort d’Anahuac n’avaient pas encore déposé les armes, quand ils apprirent le soulèvement des troupes de la Vera-Cruz contre l’administration de Bustamente, dont ils avaient eux-mêmes à se plaindre, et dont les délégués avaient provoqué leur ressentiment par des actes arbitraires. Aussi n’hésitèrent-ils pas à se déclarer immédiatement pour la cause fédéraliste, dont Santa-Anna relevait le drapeau. Leur intérêt non moins que leurs passions leur en faisait une loi. Le gouvernement de Mexico, en quelques mains qu’il fût placé, se défiait d’eux, les surveillait avec une jalouse inquiétude, les empêchait de se fortifier en arrêtant l’essor de l’émigration anglo-américaine, et menaçait l’esclavage, dont ils regardaient le maintien comme nécessaire à leur prospérité. S’il parvenait à resserrer son action et à étendre son pouvoir, il aurait plus de moyens encore pour leur imposer ses lois et leur faire sentir de mille manières le poids de sa défiance. Quel parti devaient-ils donc prendre en présence d’un pareil danger ? Pouvaient-ils négliger l’occasion de lui susciter de nouveaux embarras ? Devaient-ils se faire un scrupule de concourir à son affaiblissement en exagérant le principe de division et d’éparpillement de la force publique qui se trouvait déposé dans la constitution fédérale de 1824 ? Non, certes, et ils le reconnurent du premier coup. L’instinct du self-government, qui est un des caractères essentiels de la race anglo-américaine, les y portait avec une force irrésistible. Déjà ils se plaignaient de l’éloignement de la capitale de l’état, circonstance qui retardait l’expédition des affaires et avait de grands inconvéniens pour l’administration de la justice. Déjà ils désiraient se faire reconnaître, dans le sein de la confédération mexicaine, une existence politique à part, dont ils se promettaient beaucoup d’avantages, non moins pour le commerce extérieur que pour les améliorations locales. Mais l’établissement redouté du centralisme n’aurait-il pas aggravé les inconvéniens dont ils souffraient et rendu impossible le remède qu’ils voulaient y apporter ?

Le maintien des institutions fédérales était tellement conforme aux intérêts du Texas, que le mouvement de la population en faveur de la cause épousée par Santa-Anna fut général et unanime.