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LE TEXAS ET SA RÉVOLUTION.

Vera-Cruz, réunis chez le colonel Landero, sur l’invitation du général Ciriaco Vazquez, y signèrent une déclaration que Santa-Arma transmit, sans se prononcer ouvertement lui-même, au vice-président Bustamente, pour demander le renvoi d’un ministère que l’opinion publique accusait de favoriser le centralisme. Ce point de départ est fort curieux en ce que la révolution, commencée au nom des principes fédéralistes, se termina, en 1835, par l’abolition de la constitution fédérale de 1834, et par l’établissement d’une constitution républicaine unitaire, contre laquelle une partie de la population et des troupes n’a pas cessé de protester les armes à la main. Le ministère dont les officiers de la garnison de la Vera-Cruz, secrètement poussés par Santa-Anna, exigeaient la destitution, se composait de MM. Alaman, Espinosa et Facio ; mais c’était le premier qui donnait effectivement l’impulsion à toute la machine gouvernementale. Il avait fait exécuter le président Guerrero, que sa naissance, ses inclinations et sa bravoure avaient rendu le favori des basses classes de la population mexicaine, et qui avait été porté au pouvoir par un mouvement démocratique. M. Alaman gouvernait donc dans le sens de l’aristocratie et du clergé ; il cherchait à fortifier l’administration, et, à ce titre, il devait désirer, autant que possible, d’établir la suprématie du gouvernement central sur les intérêts divergens et la capricieuse opposition des états. Ennemi des étrangers en général, il témoignait cependant une plus grande bienveillance aux Anglais, qui l’avaient intéressé dans leurs exploitations de mines. Quant à Santa-Anna, dont les moins pénétrans devinaient la main dans ces nouveaux troubles, son ambition expliquait sa conduite. Vainqueur des Espagnols à Tampico, et proclamé alors le héros libérateur du Mexique, idole de l’armée, se croyant à la fois le plus grand homme de guerre et le plus grand homme d’état de la république, il s’irritait de n’y pas jouer le premier rôle et de voir ses talens politiques réduits à la tâche mesquine d’un gouvernement de province. L’intérêt de la patrie, le fédéralisme et la liberté n’étaient pour lui que des mots sonores, un honorable drapeau, dont il avait besoin, comme tous les ambitieux, pour couvrir ses vues personnelles. Le parti démocratique ne fut pas deux ans à voir combien son chef était indifférent aux principes politiques. Vers la fin de 1834, Santa-Anna s’était laissé gagner par l’aristocratie et le clergé ; il préparait l’établissement d’une constitution unitaire ; il rêvait la gloire du premier consul, et peut-être songeait-il à relever pour lui le trône impérial d’Iturbide.