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cousin le cardinal qui me l’a donné, excellence. — Et cette tabatière d’or ? — Excellence, c’est un présent d’un monsignore de mes parens. — À merveille ; eh bien ! prends cette plume et ce papier, et écris sur ce chapeau à ton cousin le cardinal et à ton parent le monsignore que, s’ils tiennent à te voir encore en vie, ils t’envoient sur-le-champ mille écus romains pour rançon. Pour leur prouver que nous ne plaisantons pas, et que ce billet est bien sérieux, nous y joindrons comme cachet une oreille du coccuzzolo, — ajoute le chef en tirant son poignard de sa gaîne. Toute la troupe applaudit. Le parterre applaudit aussi, car l’énergie du brigand lui plaît toujours, et ces bouffonneries sont à son adresse. Cassandrino se débat et cherche à s’enfuir. On l’entraîne vers le chef, et malgré ses cris et ses supplications il court grand risque d’avoir les deux oreilles coupées, quand tout à coup on entend une décharge de mousqueterie. Plusieurs brigands sont abattus à côté de Cassandrino ; les autres s’enfuient. Cassandrino, terrifié, se jette à plat ventre ; il ne se relève que lorsqu’il se trouve au milieu des carabiniers qui viennent de surprendre les brigands. Cependant ses infortunes ne sont pas encore à leur terme. Les carabiniers ne croient pas un mot du récit qu’il leur fait ; ils le prennent pour quelque brigand sournois. Ils lui lient donc les poignets, le font monter sur l’âne qu’ils ont retrouvé, et le ramènent à Rome escorté par les paysans, qui l’appellent ladrone, malandrino, et qui se promettent bien de l’aller voir pendre. C’est ainsi que finit le voyage à Civita-Vecchia.

On voit déjà par ce récit quelles sont les allures du héros des burattini ; on comprend sur-le-champ que son âge et ses habitudes de vieux garçon d’une part, et de l’autre sa trop grande tendresse de cœur, le rendront victime d’une foule de mésaventures comiques, dans lesquelles sa douceur, sa politesse, son savoir-vivre et ses autres belles qualités doivent tourner contre lui. Ce ne sont guère là que des intentions comiques sans doute, mais ces intentions sont heureuses ; elles donnent lieu à des développemens de caractère parfaitement vrais et à d’intéressantes études de mœurs. Ce que l’analyse ne peut exprimer, c’est la vivacité d’action, la prestesse et la vérité pleine d’esprit de ces bagatelles improvisées la plupart du temps. La gentillesse et l’espièglerie de ces petits personnages d’un pied de haut ne peuvent non plus se décrire. Le théâtre Fiano n’est rien autre chose, en effet, qu’un théâtre de marionnettes, mais ces marionnettes sont célèbres. Ces petits acteurs de bois luttent sans trop de désavantage avec les meilleurs comédiens de Rome. Le mécanisme qui les fait vivre est des plus ingénieux, il faut le dire. La combinaison des