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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

rabbins le saisissent et s’apprêtent à le circoncire. Meo Patacca avait oublié cette cérémonie préalable. À la vue de la lancette que tient un des opérateurs, il retrouve son caractère primitif, et c’est alors qu’il se met dans une terrible colère, et qu’avec son gros gourdin, il les assomme sur la place.

Marco Pepe est le seul des compagnons de Meo Patacca qui ose lui tenir tête. Marco Pepe a les dehors encore plus formidables que son ami, et quand il met le poing sur la hanche, que, se posant en matamore, il roule ses gros yeux et jure per Bacco ou la santissima madonna, on croirait que rien ne pourra résister à un si terrible champion. Mais si, par hasard, Meo Patacca se fâche, ferme le poing ou lève le bâton, Marco Pepe se fait petit et disparaît si lestement, qu’on dirait que la terre s’est ouverte sous ses pieds. On le cherche, on l’appelle : où est Marco Pepe ? Marco Pepe ne répond pas ; il s’est évanoui en fumée, ou bien, blotti entre deux bornes, caché dans un sillon, il attend que la colère de Meo Patacca soit passée. Malgré ses accès de poltronnerie et l’horreur qu’il a pour le bâton, Marco Pepe n’est pas moins l’inséparable compagnon de Meo Patacca ; c’est son contradicteur et son compère, son souffre-douleur et son ami. Il le suit comme son ombre, copie ses gestes, imite les inflexions de sa voix, convoite le même fiasco d’Orvietto et se passionne pour la même maîtresse. Il est vrai que Meo Patacca est toujours l’amant préféré, qu’il caresse les belles eminentes à la barbe de son débonnaire rival, et qu’il ne lui passe la bouteille que lorsqu’elle est tout-à-fait vide. Marco Pepe ne diffère de son compagnon que par un point capital, c’est que Meo Patacca ne craint rien, et que lui, Marco, a peur de tout. Marco Pepe, en effet, est le plus turbulent et en même temps le plus pacifique des habitans de Trastevere. C’est un tapageur timide, un poltron criard ; les Romains qui ont des prétentions au courage le renient, et disent que Marco Pepe est un Napolitain naturalisé. Il y a une chose certaine, c’est que Marco Pepe s’était fait connaître, sous ce même nom, bien antérieurement à la révolution de Naples de 1820. Le caractère de Marco Pepe a beaucoup d’analogie avec celui de Falstaff. Il est jovial, conteur et quelque peu philosophe ; les femmes qui le repoussent ne méritent, à son avis, ni un effort, ni un soupir, et le laurier n’est pour lui qu’une plante tout-à-fait vulgaire, qui sert plus encore à couronner les jambons que les héros.

Les Romains prétendent que ces types de Meo Patacca et de Marco Pepe ont tout-à-fait vieilli, et que ces deux personnages ne sont plus en aussi grande faveur qu’autrefois auprès du peuple. Ils ont certai-