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avant tout l’impuissance du gouvernement et les grosses aventures. Plusieurs d’entre eux ont cédé aux entraînemens de l’amitié, aux habitudes de leur politique, à un mouvement d’amour-propre. Nous avons peine à croire que ce soient là des causes durables de dissentiment. Ce serait s’annihiler en pure perte, sans profit pour personne ; ce serait ôter au gouvernement, sans pouvoir le donner à qui que ce soit, un honorable et solide appui. On redoute la gauche et on se tiendrait à l’écart ? Mais ce n’est point ainsi que raisonnent des hommes sérieux. Y a-t-il réellement quelque danger ? Il faut se porter en masse sur le terrain du gouvernement, l’appuyer, l’entourer, le soutenir et le contenir. Le danger n’existe pas ? Pourquoi alors bouder et faire bande à part ? Quelles raisons y a-t-il ? La faute serait énorme, car si la plupart des 221 abandonnaient le ministère, encore faudrait-il qu’à la longue le ministère s’entourât des hommes qui seuls voteraient pour lui.

Au reste, nous n’avons jamais cru, et nous sommes heureux d’apprendre que nous avions raison de ne pas croire, que la conduite des 221, dans l’affaire des fonds secrets et dans leurs rapports avec le nouveau cabinet, leur fût tracée par l’homme éminent auquel ils ont long-temps prêté un loyal et honorable appui. Évidemment les 221 n’ont fait que de la politique d’amateurs, sans unité, sans vigueur, sans suite. Quand, pour dernière ressource, on envoie à la tribune d’honnêtes députés se mutiner contre l’éloquence, on n’est plus un grand parti parlementaire. C’est encore la queue qui a mené la tête, et ce n’est la faute de personne : c’est la transformation qui s’accomplit. — La majorité des 221 se ralliera sur le terrain du ministère ; le reste se trouvera rejeté à l’extrême droite.

C’est au cabinet à réaliser ces grands résultats. S’il a bien compris sa mission, s’il est fermement résolu à ne dévier ni à droite, ni à gauche, le parti gouvernemental ne tardera pas à être reconstitué sur les bases que nous avons indiquées en commençant. Le ministère ne doit se livrer ni aux hommes de la droite, ni aux hommes de la gauche, sans oublier cependant que les hommes des centres ont l’habitude du pouvoir, qu’ils en comprennent les conditions et en sentent profondément l’importance. Les hommes de la gauche ont un apprentissage à faire et des habitudes à contracter. Lorsque l’enfant prodigue rentra au foyer paternel, il fut accueilli avec joie mais je ne sache pas que le jour même on lui confiât l’administration des affaires et le gouvernement de la maison. M. Thiers l’a dit : il vient de l’opposition ; raison de plus pour que la gauche se contienne et ne paraisse pas avoir pactisé avec lui.

Ce qui importe avant tout, c’est que le ministère ne perde pas une heure de temps. La France attend pour son industrie, pour son commerce, pour ses douanes, pour ses colonies, pour tout ce qui se rattache à son bien-être, à son progrès matériel, à son perfectionnement moral, des lois, des règlemens, des mesures décisives. Elle a soif d’améliorations ; elle est lasse d’ajournemens et de retards ; elle est prête à maudire toute politique qui causerait des retards nouveaux et ajouterait à de si longs délais des délais plus longs encore.

M. le ministre de l’instruction publique a donné à ses collègues l’exemple