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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

ses succès et ses revers se passent dans des limites déterminées, entre la Suède, la Norvége, le duché de Schleswig et les villes anséatiques. Son roi le plus vaillant, le plus illustre, fut Chrétien IV, et, à l’époque de la guerre de trente ans, Chrétien IV, appelé à défendre le protestantisme, entreprit vainement l’œuvre que Gustave-Adolphe accomplit avec tant de gloire. Ajoutons à ceci qu’à partir du XVIe siècle le Danemark est toujours allé en déclinant. En 1523, il perd la domination qu’il exerçait sur la Suède depuis le traité d’union de Calmar ; en 1658, il perd les provinces qu’il avait conservées de l’autre côté du Sund ; en 1814, il a perdu la Norvége.

Ce qu’il y a de plus beau et de plus éclatant dans ses annales, c’est l’époque ancienne, l’époque où il exerçait une telle suprématie dans le Nord, que la langue scandinave n’était désignée que sous le nom de langue danoise, l’époque héroïque où Regnar Lodbrok épouvantait l’Écosse et l’Irlande, où Harald à la dent bleue s’avançait avec sa flotte jusque dans le port de Cherbourg, où Canut subjuguait l’Angleterre, où les Valdemar gagnaient l’un après l’autre sur le champ de bataille le surnom de grand et celui de victorieux.

C’est cette époque que nous aurions voulu voir décrite avec sa rude poésie dans la nouvelle histoire de Danemark qui vient de paraître en Allemagne. Nous aurions voulu aussi que l’auteur remît encore une fois en question les hypothèses des savans sur les temps primitifs de cette histoire, qu’il donnât son avis sur l’origine de la race danoise, qu’il fît, en un mot, pour le Danemark ce que Geiier a si admirablement fait pour la Suède dans ses Svea rikes Hœfder. De la part de M. Dahlmann, un tel travail ne pouvait exciter qu’un vif intérêt, et le public, nous en sommes persuadé, l’aurait accueilli avec reconnaissance. Enfin, il nous semble que pour compléter un livre destiné à faire connaître l’histoire de Danemark à beaucoup de gens qui en ignorent jusqu’aux élémens, l’auteur aurait dû reprendre l’excellente dissertation qu’il publia en 1822 sur Saxo le grammairien, y joindre un examen critique des annalistes des XVIIe et XVIIIe siècles, et nous donner ainsi un tableau de l’historiographie danoise, de ses essais et de ses erreurs. C’est un genre de travail que beaucoup d’écrivains emploient aujourd’hui en guise de panégyrique d’eux-mêmes et de prospectus ; mais M. Dahlmann, avec les qualités que nous lui connaissons, en aurait fait, nous n’en doutons pas, une œuvre vraiment instructive, sérieuse et indépendante.

Le commencement de cette histoire, annoncée depuis long-temps, ne répond donc pas à l’attente de ceux qui croyaient y trouver ou une solution définitive, ou tout au moins une réponse nouvelle à plusieurs questions importantes. L’auteur exprime très brièvement son opinion sur le livre de Saxo et les chroniques islandaises. Il raconte en quelques pages l’époque païenne, cette époque si étrange, si riche de faits, et ne commence, à vrai dire, son récit qu’au temps où des annales certaines remplacent les traditions flottantes. Après le règne de Magnus, il s’interrompt dans sa narration pour jeter un coup d’œil en arrière et décrire les mœurs, les institutions de l’ancienne mo-