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SALON DE 1840.

La Flora de M. Bosio est fort inférieure à la Salmacis du même auteur. En effet, quoique la Salmacis soit très loin de mériter les éloges dont on l’a comblée, elle révèle chez M. Bosio un désir sincère de lutter avec la nature. Cet ouvrage est d’une réalité mesquine, d’un caractère grêle et chétif ; mais il a fallu, pour obtenir ce résultat, sinon un grand talent, du moins une rare patience, une attention soutenue : il est évident que M. Bosio a donné dans ce morceau la mesure complète de ses facultés. La Flora est modelée avec une rondeur, une mollesse qui ne se trouvent pas dans la Salmacis. Je ne parle pas de la tête, dont l’insignifiance ne peut être dépassée, car dans ses meilleurs ouvrages M. Bosio n’a jamais paru accorder au masque humain une grande importance ; mais il n’y a pas une seule face de la figure de Flora qui offre des lignes heureuses. Les hanches sont à peine accusées et manquent de jeunesse ; le cou et les épaules se composent de plans confus, et n’offrent pas une seule partie qui rappelle la nature. Quant à la poitrine, qui a l’intention évidente de lutter avec la réalité, elle n’offre qu’un ensemble de détails mesquins que la sculpture doit s’interdire sévèrement. M. Bosio, dans la poitrine de sa Flora, s’est efforcé de transcrire tous les plis de la peau qui frissonne, et il n’a réussi qu’à produire une masse maigre et informe. La ceinture, le ventre et les cuisses, quoique empreints d’une mesquinerie moins blessante, ne sont cependant pas plus dignes d’éloges ; les deux avant-bras choqueront les yeux les moins clairvoyans par leur singulière brièveté ; la draperie jetée sur les cuisses n’est qu’un haillon mouillé. Les pieds de la Flora ont une forme que la statuaire ne saurait avouer. Je ne dis pas que cette forme ne se rencontre jamais dans la nature ; mais tout ce qui est n’est pas bon à imiter, et copiés ou non, les pieds de cette figure sont d’une laideur repoussante. L’espace compris entre la partie inférieure de la jambe et la naissance des phalanges est modelé d’une façon absurde ; je dois dire la même chose de l’espace compris entre le talon et l’origine du gros orteil. Il y a sans doute des pieds pareils aux pieds de la Flora ; mais un pied ainsi fait ne peut exécuter régulièrement les mouvemens nécessaires à la progression. Si la figure de M. Bosio se levait, elle marcherait sans élégance et sans rapidité ; car pour que la marche soit élégante et rapide, il est absolument indispensable que le talon soit séparé du gros orteil par une arcade élevée, et cette arcade ne peut exister sans que le dos du pied présente une courbure qui ne se trouve pas dans les pieds de la Flora. Dans le cas particulier qui nous occupe, comme dans toutes les ques-