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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

de recueillir[1]. Sorti d’un village des Vosges aux frontières de la Franche-Comté, il se réclama toujours de cette dernière province, par amour sans doute des poètes qui en sont l’honneur, par souvenir surtout de Nodier et des muses voyageuses. Il fit de bonnes études je ne sais où ni comment, mais il était plein de grec et de latin, d’Horace et de Philétas, si Philétas il y a ; au reste, toute sa vie ne semble qu’une longue école buissonnière. M. Marmier, M. Couturier, ses biographes[2], nous en disent là-dessus moins encore qu’ils n’en savent ; l’aventure de Goldsmith, qui parcourut une fois la Touraine sans argent, en jouant de la flûte de village en village, n’est qu’un des accidens les plus ordinaires de la destinée de De Loy. Il paraît n’avoir conçu de bonne heure la vie que comme un pèlerinage ; partout où il sentait un poète, il y allait ; partout où il trouvait un Mécène, il y séjournait. Aussi, dans ses vers, que de Mécènes ! Il croyait naïvement que le poète est un oiseau voyageur qui n’a qu’à becqueter à droite et à gauche, partout où le portent ses ailes. Il a repris et réalisé de nouveau au XIXe siècle l’existence du troubadour allant de château en château, et payant son gîte d’une chanson. Rousseau, voyageant à pied, était boudeur encore, un misanthrope altier et réformateur du monde ; il y avait pourtant du Jean-Jacques piéton dans De Loy, ce fantassin de poésie ; mais c’était surtout, et plus simplement, un troubadour décousu. Il allait donc sans songer au lendemain, quand un jour, à vingt-un ans, il se maria ; comme La Fontaine, il ne semble pas s’en être long-temps souvenu. On s’en ressouvient aujourd’hui pour lui, et ce volume que l’amitié publie est le seul héritage de ses deux filles. Comme il avait commencé jeune ses courses, les grands astres de la littérature présente n’étaient pas encore tous levés : mais De Loy n’était pas si difficile, il allait visiter le Gardon de Florian, en attendant les autres stations depuis consacrées. L’épisode le plus mémorable de sa vie fut sans contredit son voyage au Brésil ; las du ménage et du petit magasin où il avait essayé de se confiner, le voilà tout d’un coup dans la baie de Rio-Janeiro. C’était en 1822 ; don Pedro, empereur constitutionnel, accueillit De Loy, le fit rédacteur officiel de ses projets libéraux. Outre le journal qu’il rédigeait, De Loy chantait l’impératrice ; il devint commandeur de l’ordre du Christ, il était gentilhomme de la

  1. Feuilles aux Vents ; imprimé à Lyon, chez M. Boitel, avec une dédicace de Mme Desbordes-Valmore.
  2. M. Couturier en tête du volume, et M. Marmier dans la Revue de Paris, 29 mars 1835.