versée par mille ruisseaux bordés de laurier-rose, et arrivés au bord du golfe de ce nom nous vîmes, en nous retournant, le plus magnifique des tableaux.
La route qui se dirige vers le bord de la mer vous conduit à une petite plage que masquent quelques masures. Pour s’y rendre, on marche le long d’une ruelle où se roulent au milieu des plus sales animaux domestiques quelques enfans au teint hâve, au ventre balonné ; on traverse en quelques pas ce sale recoin où s’étalent toutes les misères de la vie du peuple sicilien, et tout à coup l’on se trouve à l’une des extrémités d’un immense hémicycle tracé dans la mer de Sicile, depuis le port de Catane jusqu’au cap Sainte-Croix, devant lequel s’avance la langue de terre où l’on a bâti le fort d’Augusta. La mer de Sicile, semblable à une plaine d’émeraudes, scintillait sous les feux du soleil, la côte se déroulait circulairement, et offrait jusqu’à Lentini, tantôt une longue suite de rochers couverts de bois et de verdure, tantôt de belles anses baignées par les flots. Là commençait à s’élever, par une lente inclinaison, l’immense Etna dont la base s’étend jusqu’à Taormine, et dont la cime figure l’extrémité d’un triangle rectangle perpendiculairement assis sur la mer. Or, imaginez que le côté inférieur de ce triangle ou sa base offre une étendue de quarante milles. Tout le golfe est dominé par cette prodigieuse pyramide, qui élève au-delà des nuages sa tête éclatante de neige, tandis que ses flancs gigantesques se composent de longues et sombres traînées de lave.
Bientôt, aux fûts de colonnes, aux traces de temples antiques, aux amas de pierres de taille, aux ruines éparses sur le sol on sent qu’on approche de Syracuse, la cité favorite des antiquaires, la ville moderne de Sicile qui a tiré le plus de parti de quelques rares vestiges de l’art des anciens. Enfin, après avoir passé devant la tour de Marcellus, distingué les Latomies, et jeté un coup d’œil sur les gradins circulaires d’un théâtre grec symétriquement tranchés par ses diasômes où jadis circulait la foule, on salue Syracuse, où vous attend toute l’antiquité. Nous remettrons à un autre jour, si vous le voulez bien, notre visite à cette cité, qui fut si grande, et qui n’est aujourd’hui qu’un reste de ses anciens faubourgs, véritable débris, étroit, mesquin et délaissé.
Je suis, etc.