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LA SICILE.

évêques in partibus, et une collégiale de cinq cents prêtres, sans parler du séminaire clérical. Les revenus de l’évêché dépendent du prix du froment ; mais on les porte pour les mauvaises années à 36,000 scudi. Quatre-vingt-douze-églises, trente-une confréries, trente-deux congrégations, sept monastères, où vivent deux cent cinquante moines, avec cent vingt frères lais, et dix-sept couvens ou retraites de clercs réguliers, renfermant plus de cinq cents religieux, telle est la part de Catane dans le dénombrement des établissemens spirituels de la Sicile et de la population des cloîtres siciliens, qu’on porte à vingt mille personnes environ.

Je sortis de Catane un matin au lever du jour, en prenant le chemin de Syracuse. À la porte méridionale de Catane cesse la route que l’on peut parcourir en voiture, le chemin carrozabile, comme on dit en Italie, et dès-lors il faut se décider à voyager toujours à cheval, ou, si le trajet qu’on se propose de faire est très étendu, on se munit d’une lettiga. Mon cortége se composait donc, d’abord d’un fidèle serviteur bien armé qui me précédait à cheval, de ma personne placée provisoirement dans une lettiga accompagnée de deux muletiers à pied et armés de bâtons ferrés, de deux mulets de bât chargés de nos bagages, avec leur conducteur, et d’un domestique sicilien monté sur une mule et conduisant un cheval de main, qui devait me servir au besoin : en tout six personnes, deux chevaux et cinq mulets. J’énumère ce personnel selon la noblesse des races. Cette caravane un peu nombreuse, si l’on songe à la rareté des ressources qu’on trouve sur sa route, et à la pénurie de vivres qui se fait sentir dans les rares auberges, n’était que suffisante eu égard aux dangers de la route. Le prince Manganelli, intendant civil de Catane, m’avait officiellement notifié les règlemens de police à l’égard des voyageurs, auxquels tout recours et toute assistance sont refusés après le coucher du jour. C’est à eux-mêmes de se mettre en sûreté et à couvert durant la nuit : l’autorité les avertit qu’elle cesse de veiller sur les routes dès les premières ombres ; mais il est vrai qu’elle se charge de dédommager les voyageurs des vols dont ils seraient les victimes, une fois le soleil levé. On ne parle pas des assassinats, qui n’étaient pas rares dans les campagnes de la Sicile à l’époque où je les traversai.

Vous avez souvent entendu parler de la lettiga sicilienne. C’est une sorte de chaise à porteur, une boîte en bois mince, vermoulue, jadis peinte et jadis dorée même, dans laquelle on ne peut s’asseoir sans que la tête du patient n’en touche le sommet. Les porteurs