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LA SICILE.

m’a-t-on dit, depuis l’année 1445, où l’université de Catane fut fondée par Alphonse d’Aragon. Les réceptions, que je n’ai pas vues, rappellent un peu la scène du Malade imaginaire. Le candidat est vêtu du costume officiel que je viens de vous décrire ; après le succès de son examen, le proto-médecin l’embrasse sur les deux joues, et lui passe au doigt une bague ornée d’un diamant, dont le postulant fait les frais sans doute. Après quoi, on le promène solennellement par la ville, et il débute, au son joyeux des violons et des flûtes, dans sa pénible et lugubre profession.

En suivant une rue parallèle à la mer, on arrive au fameux monastère de San-Nicolò l’Arena, construit et habité par les pères bénédictins. Ce couvent est assurément l’un des plus beaux édifices religieux de l’Europe, où les bénédictins possèdent cependant des cloîtres magnifiques. Jadis les moines bénédictins vivaient dans une modeste habitation située dans un coin de Catane, ville assez modeste aussi en ce temps-là. Vers l’année 1136, quelques pères de ce couvent, cherchant une solitude plus pieuse et plus profonde encore, se détachèrent de la communauté, et se retirèrent sur le penchant même de l’Etna, dans la région boisée où avait vécu un digne évêque de Catane, saint Léon, à qui ils élevèrent une église. Ce canton de l’Etna, où l’on trouvait jadis la belle végétation de la région actuelle des bois, où mille arbrisseaux, tels que le beau citis-flore, la rose ardente et le smilax aspère croissaient autour de la chapelle du saint, offrait aux cénobites l’ombre à l’abri des figuiers noirs, des chênes verts, des pommiers sauvages, et le repos sur des tapis de mousse semée de fraxinelle, d’orchys et de mauve. Tel est du moins l’aspect de la terre volcanique dans les régions de l’Etna que la lave n’a pas encore ravagées. En 1536, elle coula depuis Nicolosi jusqu’au premier couvent des bénédictins que les pères avaient sagement abandonné dès les premiers grondemens de la montagne, et elle ensevelit sous ses flots bouillonnans l’église de Saint-Léon, l’hospice qui y attenait et la demeure des moines. Depuis leur établissement sur le volcan, le comte Simon Policastro et d’autres seigneurs leur avaient fait présent de grandes terres placées au sud de l’Etna ; ces terres s’étendaient près de la ville ; ils y bâtirent donc le monastère de San-Nicolò, qui se trouve aujourd’hui dans l’enceinte de Catane, et qu’habitent maintenant leurs successeurs.

Le monastère actuel ne fut guère achevé qu’en 1735. Il consiste en un vaste parallélogramme, et au milieu de sa face orientale s’élève une gigantesque église dont la nef est d’une admirable immensité.