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congrégations religieuses, et virent tout s’écrouler à la fois par l’éruption de 1669, qui ne respecta guère que le monastère des bénédictins, fondé depuis peu. Enfin, sous les Bourbons, Catane, comme toute la Sicile, vit tomber sa vieille constitution féodale, puis sa nouvelle constitution libérale. Elle essuya quatre nouvelles attaques volcaniques en 1723,1755,1811 et 1819 ; et en 1837, quand j’y vins, elle essayait d’une petite révolution politique en présence de ces grandes révolutions de l’Etna qui me semblaient à moi, nouveau venu, ne pouvoir laisser de place à d’autres pensées dans l’esprit de ceux qui en voient chaque jour les gigantesques vestiges.

Catane a des priviléges qu’elle s’efforce de maintenir, et qui font l’orgueil de ses citadins. Elle n’ambitionne pas le titre de capitale de la Sicile, comme font Messine et Palerme, qui se le disputent depuis si long-temps ; mais ses représentans avaient une place à part dans le parlement, et elle s’administre elle-même par un capitaine de la ville, pris parmi les patriciens, et trois autres magistrats. La noblesse est nombreuse, on compte parmi elle des hommes distingués, et en plusieurs occasions, Catane a pris, grace à eux, l’initiative de mesures utiles que le reste de l’île refusait d’adopter. Ainsi, en 1782, l’inoculation fut généralement pratiquée à Catane, tandis que les autres cités siciliennes la repoussaient. Les institutions de charité y sont nombreuses ; l’établissement de Santa-Maria-del-Lume, le plus remarquable de tous, ne se soutient que par des dons volontaires. Il est singulièrement divisé. Une partie de cette maison reçoit les filles sans protection, les orphelines qui se trouvent exposées à succomber à la séduction, et qu’on arrache au vice ; ailleurs toutes les filles repentantes, et dans une troisième classe celles qui ont été condamnées à la séquestration. Celles-là sont contraintes à travailler pour subvenir aux frais de l’établissement ; les autres, après un certain temps, sont placées, sous la responsabilité de l’institution, dans les manufactures ou dans les maisons particulières, pour remplir les fonctions de servante. Malheureusement c’est là que les retrouve le vice qui les guettait lors de leur entrée dans le salutaire refuge de Sainte-Marie Céleste. Comme je sortais de cet établissement, je vis passer, porté en triomphe au milieu d’un groupe, et suivi d’une bande de musiciens, un personnage vêtu de noir, avec les boucles de soulier, la bourse de cheveux et l’épée au côté. Il se laissait gravement rendre cet honneur. J’appris que c’était un récipiendaire de l’académie médicale, et que Catane se réjouissait ainsi de compter un médecin de plus. L’usage autorise ces sortes de processions, et elles ont lieu,