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LA SICILE.

est-il que les premiers voyageurs de l’antiquité qui s’avancèrent sur cette côte, aperçurent, au milieu des laves et des cendres, des forgerons noircis de fumée, coiffés d’un casque qui n’avait qu’une seule ouverture devant les yeux, et qu’ils se rembarquèrent très effrayés pour aller annoncer à la Grèce qu’ils avaient découvert des cyclopes et des lestrigons. On suppose que ces hardis et laborieux colons étaient venus des îles Ioniennes, mais Dieu seul sait comment.

D’autres émigrans étant venus de Calcédoine, l’île Trinacria fut plus connue, la croupe du volcan se couvrit d’habitations, et Catane fut peuplée par une colonie composée d’abord de Sicanes, anciens habitans du littoral gaulois, originaires d’Espagne et émigrés en Ligurie, puis de Grecs et d’Africains. Un misérable château, quelques cabanes, des cavernes où l’habitant disputait son refuge aux bêtes féroces, devinrent une bourgade populeuse quand les Éoliens se fixèrent sur ce rivage à la fois riant et désolé. Les Grecs en firent une ville, et d’état démocratique qu’il était, le gros bourg de l’Etna devint une oligarchie où dominèrent successivement de bons et de mauvais tyrans, comme Gélon, Géron, Denys et d’autres ; tyrans tempérés ou surexcités tour à tour par des hommes de bien et des hommes d’esprit, par des philosophes et des poètes, comme Carondas, Stésicore et Philon. Pendant ce temps, l’Etna avertissait avec persévérance toutes ces grandeurs naissantes qu’après Dieu il en était encore une au-dessus d’elles, et les éruptions allaient leur train. Dans le cinquième et le quatrième siècle avant Jésus-Christ, il y en eut trois dont tout le monde antique a retenti. Puis vinrent les Romains, qu’on voit venir partout dans l’histoire à la suite de la civilisation grecque. Ils trouvèrent à Catane des fabriques florissantes, l’agriculture perfectionnée par Géron, l’orfèvrerie, la peinture, la sculpture naturalisées par les colons de la Grèce ; quant à eux, ils apportèrent la corruption, le goût des théâtres, et chassèrent du collége des prêtres les stéphanophores, ces chanteurs divins, pour y loger des gladiateurs. Six terribles éruptions du volcan eurent lieu sous la domination romaine. Sous les Vandales, les Érules, les Goths, pendant ces invasions qui se précipitèrent les unes sur les autres, à chaque éruption (il y en eut quatre grandes), la peste, sortie de tant d’amas de cadavres, achevait de détruire les barbares et contribua ainsi à faciliter la conquête sarrasine. Ensuite l’histoire de Catane fut celle de toute la Sicile. Les Normands y établirent l’organisation féodale ; les Angevins et les Aragonais la compliquèrent encore. Les Castillans et les Autrichiens y fondèrent de nouvelles