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LA SICILE.

fabriquées à Manchester et à Birmingham avec les matières premières qu’ils ont eux-mêmes récoltées sous les murs de leur ville.

Dans les rues de Catane, on marche toujours entre l’Etna et la mer, au bord de laquelle on arrive enfin par deux rues différentes, ornées de belles et somptueuses portes. Le port est de peu d’étendue, mais là un curieux spectacle attend le voyageur. Dès qu’on parle de la mer, dès qu’on songe à la mer, que ce soit l’Océan qui baigne le pied de nos blanches falaises, la Méditerranée qui se joue sur des plages éclatantes, l’Adriatique qui roule ses flots à travers les rochers couronnés d’une riante verdure, c’est l’idée de l’étendue, de l’espace, des profondeurs lointaines, des nuances brillantes qui se présente à votre esprit. À Catane, le port n’offre ni ces majestueuses perspectives, ni les lointains bleuâtres que dore le soleil, ni le brillant reflet de l’onde verte, ni les effets variés du ciel sur l’eau, la terre et les rochers. Tout est sombre, terne et comme effacé dans une teinte uniforme. Cette teinte est la couleur de la lave qui s’étend partout sur la ville. La lave de la nuit d’avril 1669, ce fleuve qui a couvert Catane d’un épais linceul a prolongé ses masses noires jusqu’aux rivages de la mer ; il a pénétré dans la mer elle-même, et y a formé une redoutable chaîne de rochers d’une hauteur de plus de cent pieds sur une étendue de douze à quinze milles. Aujourd’hui que près de deux siècles se sont écoulés, on ne peut voir encore sans effroi les effets de cette catastrophe. En 1669, avant cette terrible nuit d’avril, Catane était entouré de hautes murailles. Les torrens de lave ont franchi ces murs, du côté du port, ainsi que la jolie fontaine de Gamarita qui y était adossée, et maintenant au pied de la ville actuelle, on voit les anciens murs couronnés d’une voûte de lave, et la douce fontaine dont les eaux ont continué de couler paisiblement, tandis que la vaste mer a reculé d’horreur. Ce qui en est resté entre la jetée du port et l’autre grande jetée de lave qui lui fait face et masque l’horizon, a pris une teinte noire qui est sans doute l’effet de ces masses de lave. Retenue entre ces deux obstacles, la mer forme un port étroit il est vrai, mais sûr, et c’est en vain que les vagues viennent du côté extérieur frapper la digue de lave, leur cime retombe en longs filets d’écume sur la brune plate-forme de ce dam naturel dont le volcan a doté Catane le jour même où il la détruisait. Sur l’immense traînée de lave qui a refoulé la mer, s’élève une chapelle construite avec la lave même et consacrée à la Vierge, et, à fleur d’eau, est un petit fort de lave aussi, défendu par six pièces de canon. Une belle colonne de lave noire et de marbre blanc a été placée à deux pas de là ; ce