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LA SICILE.

ils travaillent. L’institut spécial, médiocrement doté, renferme aujourd’hui soixante-dix élèves.

L’industrie de la soie joue un très grand rôle dans l’histoire des intérêts de Catane, industrie antique, vénérée, qui, après avoir subi les vicissitudes communes à toutes les puissances d’ici-bas, a prudemment assuré son existence à venir par de sages concessions à l’esprit du temps et par des améliorations successives. Quant à la noblesse de l’antiquité des étoffes de soie de Catane, on rapporte qu’à l’ouverture des sépulcres des rois de Sicile ensevelis dans l’église de Morreale, près de Palerme, on trouva sur le corps de Constance, femme de l’empereur Frédéric, une robe de soie mêlée d’or, qui parut un chef-d’œuvre d’art, qu’on pourrait comparer sans désavantage aux plus belles étoffes de Lyon. Or, cette princesse était morte à Catane en 1232, et le suaire impérial qui la couvrait avait été fabriqué dans cette ville. Je vous ai cité plusieurs fois des exemples des jalousies et des haines municipales qui, de tout temps, ont divisé la Sicile. La fabrication de ces riches étoffes de soie excita plus tard la jalousie du commerce de Messine, qui fit des démarches près de l’empereur Charles VI pour obtenir que l’interdiction du commerce et de la fabrication de la soie fût prononcée contre Catane ; mais les Messinois n’eurent pas un succès complet, et il fut seulement défendu aux fabricans de Catane de produire des étoffes de soie mêlées d’or et d’argent. Une nouvelle organisation fut donnée, en cette circonstance, à un tribunal nommé le consulat de la soie, auquel étaient soumis tous les fabricans de soieries ainsi que leurs ouvriers, et qui jugeait de leurs différends, ainsi que de toutes les questions relatives à cette industrie. Ces mesures ne satisfirent personne, et les dissensions continuèrent. Tantôt c’était Palerme qui jalousait Catane, et demandait que ses produits ne pussent franchir une certaine délimitation ; d’autres fois Messine s’en prenait, comme je viens de vous le dire, aux franchises de sa rivale en industrie, ou c’était Catane elle-même qui présentait des requêtes au pouvoir central pour faire interdire aux petites villes de l’intérieur la fabrication des soieries. C’est ainsi qu’en 1778 Catane attaqua l’industrie de la cité d’Aci, et porta ses prétentions jusqu’au pied du trône de Naples, où elles furent repoussées. Étroites et misérables querelles à peine excusables dans une île isolée, et au milieu d’une population privée de lumières, que nous voyons pourtant se reproduire chaque jour en France, et dans des proportions aussi mesquines ! Ce fut en 1818 que le consulat de la soie fut enfin supprimé, et que la routine