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REVUE. — CHRONIQUE.

avec les intérêts légitimes de l’Angleterre et de toutes les puissances commerçantes de l’Europe ?

La vigueur que le gouvernement de Madrid a déployée paraît avoir produit des effets salutaires. Il a intimidé la minorité et rassuré la grande majorité des cortès et du pays. C’est là le grand secret des révolutions qui ne veulent pas dépasser leurs justes limites. Les révolutions accomplies, comme celles de l’Espagne, ne périssent que par de nouvelles révolutions qu’une minorité exaltée veut greffer sur la première révolution, au mépris du vœu national, et en opprimant la majorité.

La rupture de l’Angleterre avec la Chine ne manque pas de gravité. C’est une expédition dans toute la force du mot, une expédition longue et coûteuse que l’Angleterre se croit obligée d’entreprendre contre le céleste empire. Nous sommes loin de blâmer cette mesure énergique. L’Angleterre veut que le nom et le pavillon anglais soient partout honorés et respectés ; c’est bien. Seulement il serait équitable, lorsqu’on attaque la Chine par cela seul qu’elle ne veut pas recevoir l’opium des Anglais, de ne pas trouver à redire sur les expéditions que la France a dû diriger contre ceux des états américains qui, au mépris du droit des gens, s’étaient permis, au préjudice du commerce français et de nos compatriotes, les faits les plus condamnables et des violences de sauvages.


La reprise de Chatterton au Théâtre-Français a été l’occasion d’un beau triomphe pour M. Alfred de Vigny. Ce drame si élevé et si pathétique ne pouvait manquer d’être accueilli avec une faveur unanime. Tous ceux qui s’intéressent aux œuvres vraiment littéraires féliciteront le Théâtre-Français de cette tentative, à laquelle il donnera suite, il faut l’espérer. Il est à désirer aussi que M. Alfred de Vigny ne se contente pas du succès d’une reprise. Nous n’avons jamais regretté plus vivement son silence qu’après avoir entendu Chatterton.


Correspondance du comte Capodistrias, président de la Grèce, recueillie par les soins de ses frères, et publiée par M. Bétant, l’un de ses secrétaires[1]. — Cette publication importante et depuis long-temps désirée rappellera l’attention sur une des figures politiques les plus considérables et les plus intéressantes dont la destinée à la fin s’est dérobée comme dans un sanglant nuage. Né à Corfou, dans ce berceau d’Ulysse, Capodistrias témoigna de bonne heure les qualités de finesse et d’habileté unies à un patriotisme sincère. Ayant dû quitter cette patrie mobile qui ne s’appartenait plus, il passa au

  1. Quatre vol. in-8o. Genève et Paris, Cherbuliez.