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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

Ritter fait observer que dans l’Hindoustan même, et plus particulièrement dans le Dekkan, les habitans qui occupent la partie orientale ne ressemblent en rien à ceux qui se trouvent dans la partie occidentale. Dans le Dekkan, l’air, les saisons, les vents, rien n’est comme dans le Coromandel. Les habitans du premier pays sont pleins d’énergie et d’activité ; ceux du second vivent au contraire dans la mollesse et la nullité la plus complète.

Les animaux semblent suivre aussi cette ligne de démarcation que nous avons indiquée entre l’est et l’ouest dans les rapports tant ethnographiques qu’orographiques. L’éléphant ne se trouve nulle part dans l’Asie antérieure, tandis que dans l’Inde il abonde. Du temps d’Alexandre, il paraissait parfois sur les bords de l’Indus, où on ne le trouve plus du tout. À l’est, au contraire, il pénètre jusqu’à la Chine. Le chameau est rare et s’acclimate difficilement dans l’Inde ; il fait l’une des richesses et des principales ressources du pays à l’ouest de l’Indus.

Ces rapprochemens sont d’un haut intérêt, parce que leur étude, quand elle repose sur des données exactes, peut conduire à des déductions importantes pour les progrès de l’agriculture, du commerce, de la civilisation en général ; mais nous devons nous borner à ces indications sommaires, qui suffisent pour apprécier le caractère spécial des pays dont le contact immédiat intéresse l’avenir de l’Inde britannique. Nous avons dû nous arrêter sur l’Afghanistan proprement dit, pour montrer quels étaient les nouveaux élémens de force et de résistance, et aussi de richesse commerciale, dont le gouvernement anglais aura à disposer désormais. Il nous reste à examiner quel est l’état actuel des nations qui habitent le bassin de l’Oxus, et au milieu desquelles la Russie, suivant l’exemple que lui a donné l’Angleterre, paraît vouloir se faire une position influente et durable, militaire et commerciale à la fois. Comme l’Angleterre, la Russie s’avance dans une route nouvelle, le glaive d’une main, le caducée de l’autre, et sur cette route l’Angleterre peut la rencontrer un jour ! Le caractère qu’aura cette rencontre, les circonstances qui peuvent la hâter ou la retarder, les résultats qu’elle pourrait amener, toutes ces questions se rattachent à l’examen de la condition actuelle et des ressources de l’empire hindo-britannique considéré dans son ensemble ; nous remettons cet examen à notre dernier article.


A. de Jancigny.