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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

ple, elles ont en général passé comme serfs sous le joug des plus forts.

Il n’y a qu’un siècle et demi que les Afghans sont désignés dans l’histoire sous ce nom d’Afghans comme peuple dominateur. Il est fait mention d’eux par Tavernier et par Chardin sous les noms d’Aghuans, d’Aguaes et Augans, et Tavernier les désigne de la manière la plus significative par ces mots : « peuples appelés Augans, qui habitent depuis Candahar jusqu’à Kaboul, vers les montagnes de Balch, et qui sont gens forts et voleurs de nuit. » Elphinstone, qui les a étudiés dans le pays, en parle comme d’un peuple auquel la nature a donné un caractère très marqué au physique comme au moral. Il nous représente les Afghans comme des hommes forts, osseux, bien faits, ayant les yeux vifs, le visage long, le nez aquilin et une chevelure noire ou brune, rarement rousse : leurs manières sont simples et prévenantes ; leur caractère franc, valeureux, sans dureté bien que sans culture ; ils portent des barbes longues, ce qui leur donne un air grave, bien que naturellement ils soient vifs, agiles, adroits, presque coquets dans leurs mouvemens et enfans dans leurs jeux[1] ; leur parole est facile et coulante, leur mémoire active et fidèle (surtout en ce qui concerne la généalogie et l’histoire de leurs tribus) ; leur ignorance est moins grande que ne l’est leur modestie et leur désir de s’instruire. Ils sont regardés comme des barbares par les Persans, mais c’est parce qu’ils sont plus véridiques que ces derniers et qu’ils ont des inclinations moins vicieuses.

On remarque d’assez grandes différences entre les Afghans orientaux et les Afghans occidentaux : les premiers sont bruns comme les Hindous, les seconds plus olivâtres ; chez les uns et chez les autres, on rencontre des figures noires comme celles des habitans du Dekkan, au milieu de visages au teint clair et animé comme ceux des peuples du Caucase ; mais cette complexion européenne se montre bien plus souvent chez les Afghans orientaux. Les Afghans occidentaux sont plus grossièrement organisés que ceux du côté de Kaboul ; ils sont plus lourds, plus mous que ces derniers. Les uns tenant à la Perse, les autres à l’Inde, ils forment par leur ensemble une sorte de peuple hindo-persan. Bien qu’également indépendans à l’égard de l’un et de l’autre pays, ils préfèrent les vêtemens, le langage et les habitudes persanes, à tout ce qui pourrait leur venir de l’Inde. Ce-

  1. Il n’est pas rare, dit Elphinstone, de voir des hommes d’un âge mûr jouer aux billes, ou à une sorte de lutte à cloche-pieds.