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L’AFGHANISTAN. — MŒURS DES AFGHANS.

surtout pendant l’été ; on lui préfère une autre route qui, de Shikarpour, mène, par la passe de Gandava, à Kélat et Moustoung, et rejoint ensuite la route royale de Kandahar.

Lié par le plateau de Kélat à l’Afghanistan, le Béloutchistan est une vaste contrée soumise à divers chefs, et dont les limites politiques ont varié comme celles de l’Afghanistan. Le principal chef, le khan de Kélat, reconnaissait la suzeraineté du roi de Kaboul, auquel il payait tribut et fournissait un contingent de huit mille hommes, sous la condition toutefois que ces troupes ne fussent pas employées dans les guerres civiles. Du temps d’Ahmed-Shâh, le prince béloutchi Nassêr-Khan était maître de tout le pays, et le shâh lui avait abandonné en outre la province de Shâl, et deux autres districts près de Dera-Ghazi-Khan, en récompense de ses services. La ville de Kélat porte encore, d’après ce chef, le nom de Kélat-é-Nassêr. Dans ces derniers temps, les possessions du khan de Kélat ont été réduites par la rébellion ; cependant, lorsque l’expédition anglaise traversait le Balan, l’autorité du khan s’étendait jusqu’à Dâder et sur les districts voisins. Le gouvernement anglais avait cru s’être assuré, sinon la coopération active de ce prince, au moins sa neutralité ; mais loin de tenir les engagemens qu’il avait contractés à cet égard, Mehrab-Khan (c’est le nom de ce prince) avait cherché tous les moyens de nuire à la marche de l’armée et au succès de l’expédition. Nous avions fait pressentir que la perfidie de Mehrab-Khan ne resterait pas impunie[1] ; les dernières nouvelles de l’Inde ont confirmé ces prévisions. Une marche rapide a conduit, le 13 novembre dernier, sous les murs de Kélat, une brigade de l’armée anglaise composée d’environ 1500 hommes, la plupart Européens, avec six pièces d’artillerie, et le fort a été enlevé en une heure, après un assaut plus brillant encore et plus meurtrier, en proportion, que celui de Ghizni. Tous les chefs béloutchis, Mehrab-Khan à leur tête, ont fait une résistance désespérée. Dans cette circonstance, comme à Ghizni, la lutte a été acharnée, corps à corps, mais de courte durée, et par une cause qu’il est intéressant de signaler. Le sabre n’a pu lutter long-temps contre la baïonnette. La supériorité de cette arme terrible, dans deux combats où la force physique et le courage paraissaient si bien balancés, a été établie d’une manière incontestable. Mehrab-Khan est mort, comme il l’avait dit, le sabre à la main, à la porte de son zenana. Le gouvernement anglais a remplacé ce chef par un khan de

  1. Revue des Deux Mondes du 1er  janvier.