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aux nouveaux besoins que leur exemple aura créés parmi les populations indigènes.

Jusqu’ici le marché de Kaboul a reçu principalement de la Russie les approvisionnemens de denrées ou de produits industriels nécessaires à la consommation du peuple afghan. Les caravanes, parties d’Orembourg et passant par Khiva, lui fournissent, par la voie de Bokhara, principal entrepôt de ce commerce, des armes à feu, de la coutellerie, du cuivre en feuilles, des ustensiles en cuivre, des aiguilles, des miroirs, des verres de lunettes, des verreries, de la porcelaine, du papier, du thé de plusieurs espèces, dont une, dit-on, supérieure au thé qui nous vient de Canton ; des cuirs préparés, de la cochenille, du sulfate de cuivre, du fil d’or et d’argent, des draps, des indiennes, des velours, des satins, des toiles appelées nanka, et une infinité d’autres articles.

Tous les efforts du gouvernement anglais vont tendre désormais à exclure les Russes du marché de Kaboul et, par la suite, de celui de Bokhara. C’est là, selon nous, la seule lutte qui, d’ici à long-temps, puisse s’établir entre ces deux puissances. Nous reviendrons sur ce sujet important, quand nous traiterons des intérêts généraux des deux empires dans l’Asie centrale.

Sous le point de vue physique comme sous le point de vue politique, la position très remarquable de Kaboul dans le monde asiatique attire sur cette ville l’attention de tout l’Orient. Kaboul est le carrefour où se croisent les grandes routes de communication de la Perse et de l’Inde, de l’Irân et du Tourân, ou, en d’autres termes, du nord et du sud, de l’est et de l’ouest de l’Asie centrale. Sous le rapport du climat, Kaboul est aussi un point de transition d’une importance caractéristique, offrant une réunion singulière des influences diverses du ciel et de ses dons variés, en un mot le climat accidenté qui, dans les pays de terrasses, rapproche toujours les contrastes dans le moindre espace et le temps le plus court, mais aussi dans le style le plus grandiose. À Kaboul règne déjà en partie le climat sec de la Perse ; mais les derniers nuages de la mousson, suivant l’éternel rempart de l’Himalaya et de l’Indou-Kôh, arrivent encore jusqu’ici, et y déposent les pluies fertilisantes dont ils sont gonflés. La neige, inconnue aux plaines de l’Hindoustan, se montre dans le haut pays de Kaboul ; mais, en hiver, elle ne fait que couronner les hauteurs qui environnent de toutes parts sa délicieuse vallée. Au mois de mai, de nouvelles pluies viennent féconder le sol, et le printemps se montre, comme en Europe, avec son nouveau feuillage et ses boutons de