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REVUE DES DEUX MONDES.

SAMUEL le ramasse tranquillement, l’ouvre, et en tire un papier qu’il lui présente.

Puisque vous ne voulez rien me devoir, reprenez donc ce petit effet au porteur de quatre cent vingt-cinq louis qui a été passé à mon ordre par Isaac Schmidt, échéable au 15 octobre 1703, c’est-à-dire après-demain.

LE CHEVALIER, le repoussant avec indignation.

J’acquitterai cette dette, monsieur, n’en doutez pas.

SAMUEL, remettant le papier dans sa poche.

À votre aise !… Maintenant, je vous présente le bonjour, et vous souhaite un bon voyage. Ma femme vous en souhaite autant et vous fait ici ses adieux.

(Il s’éloigne d’un pas, mais sans les perdre de vue.)
LE CHEVALIER, à Julie.

Ainsi vous trahissez jusqu’au secret, vous effacez jusqu’au souvenir de notre amour !

JULIE.

Partez ! il le faut.

LE CHEVALIER.

Oh ! malédiction sur vous ! (Il veut se retirer par la petite porte.)

SAMUEL, se rapprochant.

Pas par ici, les portes sont closes. Si vous voulez donner le bras à ma femme jusqu’à la voiture, vous sortirez par la grande porte. (Le chevalier jette à Julie un regard d’indignation, à Samuel un regard de mépris, et s’élance dehors avec impétuosité.)

SAMUEL, bas, prenant le bras de Julie.

Allons ! ferme sur les jambes ! marchons !

JULIE.

Et la lettre de cachet ! ne la déchirez-vous pas ?

SAMUEL.

Nous verrons cela demain.

LA MARQUISE, moitié triste, moitié gaie, prenant le bras du duc et les suivant.

N’est-ce pas incroyable ?… Comment ce Bourset a-t-il pu s’emparer si vite de sa confiance ?

LE DUC.

Ce n’est pas malhabile de la part de Julie. Le chevalier, furieux et passionné, eût pu la compromettre par ses clameurs involontaires. Elle lui ferme la bouche en prenant son mari pour rempart ; c’était le meilleur parti à prendre.

LA MARQUISE.

Pauvre chevalier !

LE DUC.

Pauvre Bourset, peut-être !


FIN DU PROLOGUE.


George Sand.