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LES MISSISSIPIENS.

un mari qui le jour de ses noces fait embastiller l’amant de sa femme, ce n’est pas si bête, eh ! eh !

JULIE.

Ah ! vous m’outragez, monsieur ! et votre brutalité m’autorise à rompre dès à présent avec vous. Je suis encore chez moi, sortez d’ici ! laissez-moi ! jamais je n’aurai rien de commun avec un homme tel que vous ! (On essaie d’ouvrir la porte par laquelle sont sortis la marquise et le chevalier. Julie veut se lever.)

SAMUEL, la retenant.

Un petit moment, s’il vous plaît. Le chevalier est dans la maison… Oh ! je la connais, la maison : ici, un cabinet qui n’a qu’une porte donnant dans la chambre de votre mère ; et puis, la chambre de votre mère, où est maintenant le chevalier, laquelle chambre a une sortie sur le vestibule, dont j’ai aussi la clé dans ma poche. J’ai beaucoup de clés ! Et une autre sortie sur le petit escalier, au bas duquel il y a quatre laquais à moi, postés avec des armes. Je ne voudrais pas qu’il arrivât malheur à ce pauvre chevalier… ni vous non plus ?…

JULIE.

Oh ! monsieur… au nom du ciel !…

SAMUEL.

N’ayez pas peur, mignonne, je ne suis pas méchant quand on ne me pousse pas à bout. Allez dire à votre maman, par le trou de la serrure, que vous voulez causer encore avec moi un petit instant.

(Julie s’élance vers la porte, Samuel la suit et se place à côté d’elle pour entendre les paroles qu’elle échange avec sa mère.)
LA MARQUISE, derrière la porte, frappant avec impatience.

Julie ! Julie ! êtes-vous seule ?

SAMUEL, parlant très haut.

Je suis avec ma femme, et je désire lui parler sans témoins. C’est son intention aussi.

LA MARQUISE, dehors.

Ce n’est pas vrai.

SAMUEL.

Si fait. (À Julie.) Dites donc, madame…

JULIE.

Ma mère, je suis à vous dans l’instant.

LA MARQUISE, d’un ton d’étonnement, toujours dehors.

Ah ! vraiment, ma fille ? (Samuel serre avec force le bras de Julie, et la regarde fixement.)

JULIE, épouvantée.

Oui, vraiment, ma mère !

LA MARQUISE, dehors.

J’attends !