de la république française, cet étrange cérémonial appartient à l’histoire ancienne. Mahmoud recevait lui-même les envoyés des rois ses bons cousins et de son grand ami l’empereur Nicolas.
La salle du trône donne sur une galerie dégradée, mais qui cependant n’a point perdu toute sa magnificence. Les pilastres qui la soutiennent étaient entièrement dorés. C’est dans cet endroit que fut massacré Sélim, pendant que Mahmoud, caché sous de vieilles tapisseries, entendant l’horrible tumulte de l’émeute et les cris déchirans de son ami, croyait toucher plutôt à la dernière heure de sa vie qu’à la première de sa puissance et de sa liberté. Que de drames se sont passés là ! Mais qui pourrait les raconter ? Les pierres sont muettes, elles ne conservent même pas les traces du sang. Les jardins règnent derrière le vieux palais, ils sont immenses : ici de grandes pelouses, là des bosquets de platanes et de cyprès à travers lesquels apparaissent les dômes dorés des kiosques ; on les parcourt pour arriver à l’hôtel des monnaies. Cet établissement est vaste, mais sous tous les rapports inférieur à ceux du même genre que j’ai visités en Europe ; il est dirigé par des Arméniens qui depuis long-temps, pour satisfaire aux exigences des derniers padischas, n’ont émis que de la fausse monnaie. La valeur de la piastre, qui s’élevait, il y a cinquante ans, à un écu, est tombée au-dessous de 25 centimes ! Que l’on juge d’après ce seul fait de l’affreuse misère de l’empire !
L’ambassadeur et son cortége quittèrent le séraï par la porte de l’Atmeidan, où l’on exposait autrefois les têtes des pachas rebelles. Ce pilori privilégié chôme depuis plusieurs années, et néanmoins (je ne fus pas le seul à faire cette remarque), il a conservé une odeur de cadavre en putréfaction.
La mosquée de Sainte-Sophie est voisine du séraï. Pour nous y rendre, nous traversâmes une petite portion de l’Atmeidan, ou marché aux chevaux de Stamboul, qui fut l’hippodrome de Constantinople. L’Atmeidan rappelle cette terrible journée où Mahmoud ordonna le massacre des janissaires, mesure énergique sans doute, mais en général mal comprise ; car, si elle sauva la vie du sultan, elle priva l’empire de sa meilleure milice. L’hippodrome aussi fut souvent ensanglanté par les querelles des rouges et des bleus, à l’époque où les Grecs, sans force contre leurs ennemis, s’entretuaient pour un cocher ou une courtisane. Le centre de cette vaste place est occupé par un obélisque moins élevé, mais d’un plus beau granit que le nôtre. Derrière ce monument, on voit les restes informes d’une colonne de bronze formée jadis par deux serpens enlacés, dont, s’il faut en croire