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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Stentarello a des retours de jeunesse, des momens de laisser-aller où il ambitionne le titre de magnifique ; il se passe ces fantaisies de grandeur à bon marché. Il invite tous les étrangers de distinction qui sont dans la ville à un pique-nique dans sa maison. Chacun apporte son plat ; le repas est splendide et délicat ; Stentarello et ses amis de Florence se régalent aux dépens de ses convives ; puis, avec les débris du repas, il remplit son garde-manger, et le lendemain il envoie ses domestiques chez chacun des invités réclamer l’étrenne obligée. De cette façon, il a régalé son monde, approvisionné sa maison, payé ses gens, et fait même un assez joli bénéfice, car on raconte que, lorsqu’il présume que la recette a été bonne, il oblige les pauvres diables de valets à rendre gorge.

Malheureusement Stentarello, en devenant avare, est devenu spéculateur. La spéculation lui paraît un moyen prompt de satisfaire sa passion pour l’argent. Il se mêle donc à sa lésinerie un fonds d’imprudence qui doit le perdre. Il veut grossir rapidement son petit trésor, se met dans la main des juifs, et prête à gros intérêts. Ceux à qui il a prêté, ne pouvant payer l’intérêt, gardent le capital. Stentarello veut les poursuivre ; les huissiers l’achèvent, et vers la cinquantaine il se trouve sur le pavé avec sa femme, qui a perdu sa beauté, et ses enfans, dont il ne sait que faire. Autrefois sa femme était une ressource ; maintenant c’est un embarras. Il la chasse en lui reprochant son inconduite ; il envoie au diable ses enfans, qu’il appelle de petits bâtards, et va chercher fortune ailleurs.

Stentarello a de l’expérience : il se fait pédagogue. La pièce dans laquelle nous l’avons vu remplissant ces nouvelles fonctions rappelle un peu le Précepteur dans l’embarras.

Notre brave Florentin est le mentor d’un jeune seigneur, auquel il fait force morale ; mais son élève, qui est d’un caractère fort décidé, ne l’écoute pas, et ses actions sont toujours en opposition avec la morale de son gouverneur. Stentarello veut faire acte d’autorité, parle haut, se fâche. Son élève l’envoie paître, et lui fait peur. Le jeune seigneur devient amoureux de la fille d’un cordonnier. Stentarello essaie d’abord de combattre sa passion ; mais soit faiblesse, soit sympathie, il finit par lui donner les moyens de voir la jeune fille ; il va même jusqu’à signer la promesse de mariage de son élève. Au milieu d’une scène pathétique qui suit la signature de cette promesse arrive le cordonnier. C’est une assez bonne caricature d’ouvrier florentin, bruyant, criard, et qui aime à boire. Stentarello, effrayé, s’est caché dans un cabinet, son élève dans un autre.