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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

et de Venise à ceux de Florence et de Naples. Ce sont des scènes du comique larmoyant le plus lourd, ou des comédies nobles dans lesquelles il s’agit presque toujours d’une grosse somme d’argent à gagner ou à perdre, ou de coups de bâton à donner ou à recevoir. On croirait, à voir la persistance des auteurs dans la mise en œuvre de ces singuliers ressorts dramatiques, qu’ils ne peuvent émouvoir leurs spectateurs par d’autres moyens ; et cependant n’est-il pas en Italie comme ailleurs de ces hommes rares qui joignent à un esprit délicat et supérieur une ame tendre et une belle et noble imagination ? Les péripéties de ces drames, où tout l’intérêt se concentre autour d’un gros sac d’argent tiraillé par les quatre coins, ou d’un bâton plus ou moins lourd, sont incroyables. La naïve et insolente bassesse des drôles en habit noir accrochés à ce sac, ou se débattant sous le bâton, offre un spectacle des plus ignobles et des moins comiques. Si par hasard quelque poète mieux avisé choisit des personnages d’un ordre plus relevé, le résultat n’est guère plus heureux ; ces pauvres poètes censurés manquent de la liberté de pinceau nécessaire et de la fermeté de touche indispensable pour peindre d’une manière franche et vraie ce mélange d’opulence avare, d’intrigue pesante et d’impudente bonhomie qu’en Italie, comme chez nous, on ne rencontre guère que dans certaines régions d’un certain monde qui, bien qu’on ait dit, n’est ni grand ni beau.

L’Italie, depuis le commencement du siècle, n’a donc produit aucun poète comique dont le talent se soit élevé au-dessus du médiocre ; il y a plus, aucun des pitoyables auteurs dont nous venons de parler n’a pu même arriver à cette popularité de bas étage, à cette célébrité de mauvais aloi, partage souvent assuré de ces esprits communs qui ne doivent peut-être qu’à leur manque de goût et à leur vulgarité les sympathies et les suffrages de la foule. Aussi toutes ces pièces écrites en italien, en style noble, ne tardent-elles pas, après un petit nombre de représentations, et quels que soient les efforts du malheureux impresario qui paie leurs auteurs, à rentrer dans le néant. À peine une sur cent obtient-elle les honneurs de l’impression. Les ridicules imitations des pièces de nos théâtres, mutilées par la censure et mises tant bien que mal à la portée de l’intelligence des spectateurs italiens par des arrangeurs sans goût, et qui souvent ne comprennent pas même l’auteur qu’ils affublent d’oripeaux italiens, n’obtiennent guère plus de succès. Elles expriment des nuances de sentiment trop délicates, et pour les saisir, il faudrait un public plus raffiné. Tout en déplorant la nécessité où nous sommes de formuler