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LES SCIENCES EN FRANCE.

attirés par des avantages et des séductions de toute nature, ne négligeassent les sciences abstraites pour se livrer trop exclusivement aux applications. Cependant le danger est loin d’être imminent ; car, même en dehors de l’Institut, il existe plusieurs géomètres qui cultivent avec succès les branches les plus élevées de l’analyse, et auxquels il ne manque que le titre d’académicien.

Ce sont les naturalistes qui, à l’Académie des sciences, produisent le plus grand nombre de mémoires et de travaux originaux. M. de Mirbel, qui a tant fait pour la physiologie végétale, a donné récemment une preuve admirable de dévouement et de zèle, en allant étudier dans l’Algérie le mode de développement du palmier. Lors de la dernière irruption des Arabes, l’Académie s’est émue en songeant qu’un tel botaniste, qui depuis plus de trente ans ne cesse de contribuer aux progrès de la science, pouvait tomber sous le fer d’un barbare. Heureusement ces craintes n’étaient pas fondées : M. de Mirbel est revenu au milieu de ses confrères, et il va sans doute leur communiquer bientôt les résultats de son voyage. M. de Blainville, qui, pour la profondeur et la variété de ses connaissances, est regardé à l’Académie comme le successeur de Cuvier, a dû accepter aussi l’héritage des discussions et des rivalités de ce grand naturaliste, et combattre les tendances de l’école synthétique et philosophique dont le chef, M. Geoffroy Saint-Hilaire, dédaignant de suivre la route ordinaire, aime surtout, à ce que l’on dit, à être appelé le Kepler de l’histoire naturelle. M. Magendie, dont les beaux travaux sont connus dans toute l’Europe, ne cesse de combattre pour la science positive et pour les faits, contre ce que la médecine et la physiologie peuvent avoir de systématique et de trop conjectural. Malgré ses occupations nombreuses, M. Flourens entretient souvent l’Académie du résultat de ses recherches. Scrupuleusement attaché, dans l’histoire naturelle, à la méthode expérimentale, dans le sein de l’Académie, aux réglemens, M. Flourens, comme savant et comme secrétaire perpétuel, est doublement utile à l’Institut. M. Breschet est un de ces hommes qui savent allier la pratique de l’art difficile de guérir aux travaux les plus remarquables sur l’histoire naturelle générale. MM. Audouin et Milne Edwards offrent le spectacle rare d’une amitié scientifique qui a résisté à toutes les chances de dissolution, aux candidatures auxquelles ils se sont présentés ensemble, et à la réputation qu’ils ont acquise dans les mêmes branches de l’histoire naturelle. Admis tous deux, et dans la même année, à l’Académie, ils sont destinés par leur âge à la faire jouir long-temps du fruit de leurs travaux.