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Depuis la mort de Cuvier, les relations scientifiques de l’Institut avec l’Allemagne sont devenues de jour en jour moins fréquentes, et c’est grand dommage, car on sait combien sont solides et profonds les travaux des Allemands. Peut-être M. Arago n’éprouve-t-il pas assez de sympathie pour ces savans du Nord qui cherchent moins la réputation de leur vivant que la gloire après leur mort ; et d’ailleurs, ne connaissant pas leur langue, il est encore moins porté à apprécier leurs écrits. Les seules communications qu’il ait avec l’Allemagne dépendent de l’amitié qu’a pour lui M. de Humboldt, savant célèbre, qui sait suffire à tout, et qui, malgré son séjour à la cour et ses succès de société, ne cesse de travailler et de produire toujours d’importans ouvrages. On doit regretter vivement que, sous le rapport scientifique, l’Allemagne ne soit plus aussi intimement liée à la France qu’elle l’était autrefois. Dans le siècle dernier, notre littérature dominait dans toute l’Europe, les cours du Nord avaient adopté notre langue, les académies les plus célèbres de l’Allemagne publiaient leurs mémoires en français, et, depuis Pétersbourg jusqu’à Lisbonne, il ne se faisait aucune découverte, aucune observation intéressante, que l’auteur ne s’empressât d’en donner connaissance à l’Académie des sciences de Paris, qui, à huis clos et sans chercher la popularité, avait établi partout sa suprématie. Et maintenant on dirait qu’à mesure que l’on fait des avances au public, la sphère d’action et l’influence de l’Académie diminuent. L’Académie de Berlin s’est séparée de nous et emploie la langue allemande pour ses publications. Les hommes les plus illustres du Nord, les Berzélius, les Gauss, n’envoient même plus leurs ouvrages à l’Institut. C’est là un fait grave, qui intéresse au plus haut degré la dignité du corps et la gloire scientifique de la France. Rétablir les relations qu’avait l’Académie avec les sociétés savantes des autres pays, lui rendre tout son ascendant en Europe, voilà ce que doivent chercher de préférence les hommes qui sont ses organes officiels, et qu’elle a choisis pour interprètes et pour représentans.

Les succès que M. Arago a obtenus à l’Académie en s’appliquant à populariser la science l’ont porté à introduire partout le même système. Dans les cours d’astronomie qu’il est chargé de donner à l’Observatoire, et qui malheureusement sont devenus si rares, il ne semble chercher qu’à attirer un nombreux auditoire, à intéresser les dames et les gens du monde, de sorte que ses leçons sont devenues une espèce de supplément au Spectacle de la Nature de l’abbé Pluche, où les lois les plus sublimes de l’univers sont exposées sans