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LES SCIENCES EN FRANCE.

l’expression attribuée à M. Berzélius) ces joujoux scientifiques. Au reste, cette tendance de M. Arago à faire valoir tout ce qui peut exciter la curiosité est tellement connue, que l’été dernier le propriétaire de deux chiens savans crut pouvoir demander (à ce qu’on assure) la permission de faire manœuvrer ses animaux devant l’Académie.

Comme secrétaire perpétuel, M. Arago est chargé de dépouiller la correspondance alternativement avec l’autre secrétaire, M. Flourens, et il s’en acquitte avec un succès qui sert à augmenter encore son influence ; car les communications verbales qu’il fait à propos de certains mémoires, faisant briller leurs auteurs aux yeux des journalistes et du public, il est facile de concevoir combien de personnes il doit s’attacher ainsi. Cependant on doit dire que, malgré tous les moyens dont il dispose, ce n’est guère qu’en France, et surtout à Paris, qu’il exerce cet ascendant. À l’étranger, où sa popularité ne peut guère avoir d’écho, et où l’on juge d’après les travaux imprimés, M. Arago est fort amoindri. Au reste, ses relations avec les différentes parties de l’Europe subissent des alternatives et des changemens assez fréquens. Ainsi, par exemple, à cause de ses discussions avec Brewster, M. Arago fut long-temps en guerre contre les savans anglais ; puis, lorsqu’à son dernier voyage en Angleterre, il se vit fêté et nommé citoyen de je ne sais combien de villes de l’Écosse, il changea d’opinion et devint l’admirateur de ces mêmes savans qu’il avait tant critiqués. Mais ne voilà-t-il pas que, se confiant un peu légèrement peut-être au savoir de lord Brougham, qu’il avait cependant révoqué en doute dans l’éloge d’Young avant que la communauté des opinions politiques eût rapproché les radicaux des deux nations, le secrétaire perpétuel a répété dans l’éloge de Watt des insinuations qui ont semblé blessantes pour la mémoire de Cavendish. Là-dessus grande rumeur au-delà du détroit ; les savans s’émeuvent, l’association britannique, corps illustre qui dirige actuellement la marche des sciences en Angleterre, lance un manifeste contre lord Brougham et contre M. Arago, où elle leur dit qu’ils n’ont pas examiné les pièces, qu’ils n’ont pas étudié les faits. Le savant astronome a annoncé qu’il préparait une réponse, et l’on dit qu’il est fort disposé à tonner de nouveau contre la perfide Albion. Il faut que des deux côtés la question soit examinée avec calme et sans aucune prévention politique, afin qu’on ne puisse pas dire que les uns défendent Watt parce qu’il était plébéien, et que les autres soutiennent dans Cavendish un représentant de l’aristocratie.