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LES SCIENCES EN FRANCE.

menta sous divers prétextes le nombre des auditeurs ; enfin on ouvrit les portes à deux battans, on engagea tous les journalistes à entrer, on leur donna communication de la correspondance, on leur réserva des places particulières, on les flatta de toutes les manières, et, pour satisfaire aux exigences d’un nombreux auditoire, on construisit une nouvelle salle, qui est très incommode à plusieurs égards, mais où le public domine, où les meilleures places sont réservées aux rédacteurs des journaux, en face desquels, par une nouvelle disposition qui a semblé surprendre plusieurs personnes, se trouve le lecteur, qui paraît même ne plus parler aux membres de l’Institut. Et comme si tout cela n’était pas assez, pour ne négliger aucun moyen de publicité, on finit par obtenir de l’Académie la permission d’imprimer officiellement les comptes rendus de ses séances, et ce journal, qui a reçu depuis un si prodigieux accroissement, est devenu une espèce de feuille d’insertions gratuites où, parmi beaucoup de choses intéressantes, se trouvent parfois des annonces qui ne sont pas dignes de paraître sous le patronage de l’Institut. Cette facilité de publication a donné une extension inattendue à la correspondance, qui occupe, souvent sans beaucoup d’intérêt, la moitié des séances académiques, et elle sert merveilleusement à augmenter l’influence des personnes qui sont chargées de rédiger ce recueil périodique, et de choisir à leur gré les matériaux qui doivent le composer. Une telle publication enlève tous les ans à l’Académie des sommes très considérables qu’elle devrait consacrer aux progrès des sciences, et qu’elle est forcée quelquefois de prendre sur des fonds légués par différentes personnes pour récompenser les travaux utiles et les découvertes remarquables. Cette question des comptes rendus, dont les esprits sages commencent à se préoccuper vivement, renferme tout l’avenir de l’Académie ; car, si l’on n’y prend pas garde, si l’on n’établit pas des règles sévères, toutes les autres publications finiront par être suspendues par l’effet de celle-ci, et l’Académie des sciences de Paris, qui ne faisait paraître autrefois que les travaux de ses membres et les recherches qu’elle avait approuvées après un examen sérieux, sera réduite à ne publier qu’un journal, rédigé à la hâte, dont tout le monde peut devenir collaborateur, et qui ne trouve même pas assez de souscripteurs pour subvenir aux frais d’impression.

Mais comment, direz-vous, l’Académie s’est-elle laissée engager dans une voie si insolite, si périlleuse ? L’Académie, monsieur, frappée par une triste fatalité dans ses membres les plus illustres, l’Académie, qui avait vu disparaître en dix ans Cuvier, Laplace, Le-