dateur comme Mahomet : mais, au-dessous de ces noms, il doit être regardé, dans l’ordre intellectuel, et à part l’affreux souvenir qu’il laisse en politique, comme un des imposteurs religieux les plus habiles qui se soient fait accepter par les hommes.
L’institution sacerdotale de Hakem était si bien établie, qu’elle a traversé les siècles. Le temps néanmoins a modifié ces croyances, et les Druzes d’aujourd’hui sont assez éloignés, sur certains points, du primitif esprit de leurs codes sacrés ; des superstitions nouvelles se sont mêlées à leur culte bizarre, et, à l’heure qu’il est, l’idolâtrie chez eux a sa grande part. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, ils adorent secrètement la figure d’un bœuf ou d’un veau, qu’ils tiennent enfermée dans une boîte et cachée à tous les yeux, avec le même soin qu’ils mettent à dérober aux profanes leurs livres saints. Apis est maintenant sur l’autel à côté du parodiste de Jésus et de Mahomet.
L’Exposé de la Religion des Druzes est le dernier ouvrage écrit par M. de Sacy. Il l’avait commencé dès sa jeunesse, et, à travers les préoccupations d’une existence si glorieusement, si assidûment remplie, ce projet préféré lui souriait toujours. L’accomplissement en a été retardé jusqu’à ses derniers jours, comme pour couronner dignement cette grande et laborieuse carrière. Sans nul doute, si un pareil travail s’accomplissait pour toutes les religions, il en jaillirait de toutes parts d’immenses lumières historiques et philosophiques. Mais ce n’est point là le seul mérite de ce livre. L’Europe savante n’avait que des notions vagues et fautives sur le culte important et mystérieux des Druzes : seul, M. de Sacy, par sa connaissance vraiment prodigieuse de l’Orient, pouvait combler cette lacune. Il l’a fait avec cette science sûre, inépuisable, avec cette méthode lumineuse, cette critique saine et mesurée, cette supériorité calme et sereine qui le mettent à part, bien au-dessus de la tourbe vulgaire des orientalistes, et lui assignent dans l’érudition le rang de Laplace en mathématiques, le rang solitaire de Cuvier dans les sciences naturelles. On ne remplacera pas M. de Sacy ; mais sa vie demeurera au moins comme un exemple pieux ; comme un idéal encourageant. L’Exposé de la Religion des Druzes ne peut que perpétuer autour de son souvenir ces traditions graves, élevées, auxquelles a su rester fidèle, dans une autre sphère, le publiciste distingué qui a hérité de ce nom illustre.
Histoire d’Espagne, par M. Rosseeuw Saint-Hilaire[1]. — Le livre de M. Saint-Hilaire, dont nous avons déjà eu occasion d’examiner rapidement le premier volume, ne commence qu’avec l’invasion gothique ; mais une introduction étendue est consacrée à l’Espagne romaine. Des détails intéressans sur la configuration de la Péninsule, sur les populations primitives, telles que les Celtes et les Ibères, sur les influences grecques et phéniciennes, sur la domination carthaginoise, s’offrent dès l’abord. Puis viennent les vieux récits de Carthagène et d’Hamilcar, d’Annibal et de Sagonte ; les victoires des
- ↑ Quatre vol. in-8o. Chez Levrault, rue de la Harpe, 81.