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valoir encore. Des séries de travaux littéraires sur des sujets positifs, ces travaux animés d’un reflet d’expérience morale, et plus ou moins attristés de regrets chez les uns ou colorés d’espérances chez les autres, offriraient, rouvriraient à tous un champ sûr, agréable, fructueux.

Des existences ainsi ne se dissiperont pas, d’autres se régleront ; de nobles esprits retrouveront de ces emplois dont l’effet durable, après des années, se revoit aux momens de réflexion avec le plaisir du sage. Tout serait gagné s’il venait à y renaître un certain souffle de désintéressement qui ne se peut espérer que dans les travaux en commun. Et certes, un sentiment moral et patriotique, ami des lettres, ami du pays qui a été si offensé dans cette chère portion de lui-même, est bien fait aussi pour devenir une inspiration à l’égal de quelque conviction plus jeune et plus absolue. Est-ce donc se montrer naïf que de s’y adresser tout haut et d’y croire ?

Le fait est que c’est l’heure pour les générations qui ont commencé à briller ou qui étaient déjà en pleine fleur il y a dix ans, de se bien pénétrer, comme en un rappel solennel, qu’il y a à s’entendre, à se resserrer une dernière fois, à se remettre en marche, sinon par quelque coup de collier trop vaillant, du moins avec quelque harmonie, et, avant de se trouver hors de cause, à fournir quelque étape encore dans ces champs d’études qui ont toujours eu jusqu’ici gloire et douceurs.


Sainte-Beuve.