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reuse, et assez intelligente pour attaquer la civilisation avec les armes que celle-ci lui fournira.

Maintenant que nous connaissons le pays, nous allons assister à la formation et au développement de la population qui l’habite, en remontant jusqu’à la fondation des premiers établissemens espagnols.

Il n’est pas facile de dire et il est peu important de savoir à qui appartient l’honneur de la découverte du Texas, si toutefois on peut donner le nom de découverte au progrès naturel qui porta un jour les Espagnols-Mexicains du nouveau royaume de Léon ou de la Nouvelle Estramadure sur les rives du San-Antonio et plus à l’est encore, du côté de la Sabine. Quel est le premier Européen qui a mis les pieds sur le territoire actuel du Texas ? L’illustre et infortuné Cabeça de Vaca l’a-t-il traversé dans ce voyage presque miraculeux qu’il a fait par terre, vers 1536, de la Floride aux provinces septentrionales du Mexique ? Doit-on penser, au contraire, que le célèbre et courageux Lasalle, celui qui a le premier descendu le Mississipi jusqu’à la mer, soit aussi le premier qui ait pris possession du Texas, en établissant un fort à la lagune de San-Bernardo, entre Velasco et Matagorda ? Je crois que cela n’est pas douteux, et que, si le chevalier Lasalle s’était maintenu dans l’établissement qu’il avait fondé, la France aurait occupé et conservé le Texas au même titre et du même droit qu’elle a possédé la Louisiane. Il n’en est pas moins étonnant que la cour d’Espagne, qui avait, immédiatement après la conquête du Mexique, pris possession de la Floride, ait tardé, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, à s’assurer la domination de tout le golfe du Mexique par une reconnaissance exacte de toutes les côtes et par une chaîne de forts non interrompue depuis Tampico, par exemple, jusqu’à l’extrémité méridionale de la Floride. Il semble que, suivant les erremens du grand Cortès, son attention se soit plutôt portée au nord-est dans la direction de la Californie et de la mer Vermeille, c’est-à-dire vers l’Asie, la Chine et les Philippines. Avec sa prétention de fermer la mer du sud aux pavillons des autres puissances européennes, elle se persuadait peut-être qu’il y avait plus de sécurité pour elle à s’étendre de ce côté que sur l’Océan atlantique, et c’était rester fidèle à la pensée de Christophe Colomb, qui avait passé sa vie à chercher l’Orient par l’Occident. Quoi qu’il en soit de ces suppositions, il est certain que l’Espagne, épuisée par les gigantesques travaux du siècle précédent, appauvrie en hommes, pitoyablement gouvernée, succombant sous le poids de sa propre grandeur, n’avait