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blement les steamboats ne pourraient pas le remonter. On ne trouve sur les bords de ce fleuve que deux petites villes, Victoria, qui est d’origine mexicaine, et Gonzalès, plus au nord, qui est une colonie d’Anglo-Américains établie sur les concessions de terres faites à M. de Witt, du Missouri. L’une et l’autre avaient été abandonnées en 1836. Gonzalès, qui avait déjà pris son essor, fut même brûlée le 10 mars de cette année ; depuis, les anciens habitans y sont revenus, mais la plupart des familles mexicaines dispersées à l’est se replient maintenant sur Victoria.

Les deux plus anciennes villes du Texas, San-Antonio de Béjar et la Bahia ou Goliad, sont situées sur le fleuve San-Antonio. La fondation de la première remonte à l’année 1692, celle de la seconde à 1716. La population y est exclusivement mexicaine. On ne saurait se figurer un plus beau pays. Les environs de Béjar et de Goliad sont délicieux au point de vue pittoresque, et joignent à ce mérite l’avantage d’une fertilité extrême. L’agriculture avait fait de grands progrès dans cette partie du Texas ; les colons mexicains y avaient transporté un système d’irrigation fort bien entendu, et l’on y cultive l’arbre à thé avec succès. À San-Antonio, il ne pleut presque jamais ; le ciel y est d’une parfaite et constante sérénité. Pendant la saison chaude, les brises du golfe rafraîchissent continuellement l’atmosphère. La Sierra de San-Saba défend la ville et ses alentours contre les vents glacés du nord ; mais, ainsi que le Guadalupe, la rivière San Antonio est trop rapide, et la navigation y rencontrerait de grands obstacles.

La physionomie de Béjar est toute mexicaine. On ne remarque point dans les rues, dans les ateliers, dans les boutiques, cette activité fiévreuse qui trahit à elle seule une race différente dans les villes d’Houston, de San-Felipe, de Colorado. Béjar est régulièrement bâtie ; ses maisons en pierre n’ont qu’un rez-de-chaussée et sont toutes couvertes d’un toit plat bordé d’une balustrade. On y voit une très vieille église, surmontée d’une plate-forme, où le général Cos avait fait placer de l’artillerie en 1835. Au nord-est de la ville, et sur la rive gauche du San-Antonio, se trouvent les débris de l’Alamo, nom fameux dans les annales texiennes. C’était une citadelle assez forte pour le pays, quoique les murs n’en fussent ni bien hauts ni bien épais. Le brave Travis, avec une poignée d’hommes, opposa long-temps aux troupes quarante fois plus nombreuses de Santa-Anna une de ces héroïques défenses qui eussent honoré l’Espagne de 1808. Il ne reste, des missions établies parmi les sauvages, non