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trait à ce tableau, on voyait, dans Main-Street et près du Capitole, deux tentes énormes qui feraient honneur à un chef de Tartares ou de Bédouins.

On ne comptait pas alors à Houston moins de deux cents maisons et de quinze cents habitans. Ceux-ci se multipliaient pour ainsi dire par une activité surhumaine ; mais ils manquent de femmes, comme les Romains avant l’enlèvement des Sabines. Je fus surtout frappé de cette disproportion numérique entre les deux sexes en arrivant à Houston, parce que la population tout entière, inquiète sur le sort de notre steamer, se porta au-devant de nous. Cela se conçoit facilement : le Texas est une colonie toute récente des États-Unis. On remarque le même phénomène dans toutes les populations adventices, formées, comme celle-ci, d’émigrans, qui sont pour la plupart des jeunes gens hardis et vigoureux, allant chercher fortune ailleurs que sur leur sol natal. Les femmes sont en minorité dans les possessions australiennes de l’Angleterre, et il en a été long temps ainsi dans les possessions espagnoles du Nouveau-Monde, bien qu’au Mexique et au Pérou les Européens aient trouvé aussitôt à épouser des femmes indigènes. Mais ce vide ne tardera pas à être comblé dans le Texas.

Les environs d’Houston ne sont pas peuplés. La colonisation de cette partie du Texas ne remonte pas à plus de quatre ou cinq ans. Les premiers colons s’étaient portés plus à l’ouest, sur le Brazos, et, à l’époque de mon séjour, un grand nombre de ceux que je voyais arriver dans la ville ne s’y arrêtaient pas ; mais leur passage lui donnait une physionomie très animée. Ils étaient à cheval, armés presque tous du trop fameux bowie knife, instrument terrible que les gens de l’ouest des États-Unis font jouer à tout propos. Ils portaient de plus devant eux, en travers de la selle, cette carabine rayée, démesurément longue, dont ils se servent avec une merveilleuse adresse, et que Jackson utilisa si bien à la bataille de la Nouvelle-Orléans. L’entretien de leur cheval ne leur coûte pas cher pendant leur séjour à la ville. Aussitôt que le voyageur est arrivé, on conduit sa monture dans la prairie, où elle reste jusqu’au moment du départ ; c’est un usage général, auquel ne dérogent pas même les membres du congrès.

Houston fait un grand commerce de planches, qui descendent à peu de frais le Buffalo-Bayou et le San-Jacinto jusqu’à la baie de Galveston. On avait établi très près de la ville une scierie qui avait beaucoup d’activité, et dont les produits étaient transportés à la rivière par un petit chemin de fer. Depuis, une société s’est organisée