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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 février 1840.


Ainsi que nous l’avions fait pressentir dans la dernière chronique, rien n’est terminé à Londres sur la question d’Orient. Quelque envie qu’ait le cabinet de Saint-James d’humilier le pacha d’Égypte et de faire sentir à la Porte et à tous les gouvernemens de l’Asie les effets de la puissance britannique, le bon sens des Anglais s’arrête devant les conséquences d’un accord isolé avec la Russie. Une convention qui n’aboutirait pas à des mesures coactives, tranchons le mot, à la guerre contre Méhémet-Ali, serait un non-sens. Et, d’un autre côté, qui pourrait prévoir les résultats d’une intervention armée que la France désapprouverait loin de la seconder, et qu’elle pourrait bien regarder comme contraire à ses intérêts, à sa dignité, aux principes du système européen, à la tranquillité du monde ? Il y a des limites à toutes les résignations, et le désir le plus sincère de conserver les bienfaits inappréciables de la paix devrait nécessairement faire place à des sentimens d’un autre ordre, le jour où l’on mettrait en oubli les rapports internationaux qui assurent le repos de l’Europe.

On dit que M. de Brunow a quitté Londres fort peu satisfait de lord Palmerston : le cabinet anglais aurait résolu de ne signer aucun traité qui ne soit commun aux cinq puissances et à la Porte. Les affaires d’Orient reprennent ainsi leur cours naturel, cours qui ne peut avoir que deux issues : ou les deux parties belligérantes, livrées à elles-mêmes, traiteront sans intermédiaire, ou l’arrangement, ainsi que toutes les mesures qu’il pourrait exiger, seront le fait commun des cinq puissances.

On conçoit que l’un et l’autre système trouvent parmi les hommes d’état d’habiles et zélés défenseurs. Par la non-intervention, on évite des négociations longues, compliquées, et offrant par cela même des difficultés qui pourraient devenir des dangers ; on évite aussi la périlleuse nécessité d’obtenir par la force l’accomplissement des conditions que les médiateurs jugeraient indispensable