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LE THÉÂTRE-ITALIEN.

Italien et les dangers qui pèsent sur son avenir. Depuis l’incendie de la salle qui portait son nom et qui le donnait au principal quartier de Paris, il semble qu’on ait pris à tâche, non de réparer ce désastre, mais de l’aggraver par de nouveaux coups. Lorsqu’il s’agissait, dans le premier moment, de trouver, à la hâte, un asile provisoire pour la scène italienne, l’Odéon, seule salle qui fût alors vacante, pouvait suffire à cet usage. Artistes, abonnés, dilettante de tout genre se résignèrent facilement à passer une saison comme en hôtel garni, dans ce local, réparé d’ailleurs et disposé à leur convenance. Mais bientôt un premier vote des chambres sur une loi spéciale présentée par le gouvernement, en enlevant la salle Favart au Théâtre-Italien pour la donner à l’Opéra-Comique, sous le prétexte que ce dernier théâtre, exploitant un genre national, devait être préféré à l’autre, qui n’exploite, disait-on, qu’un genre étranger, a rendu l’Odéon, d’asile provisoire, séjour définitif de la troupe italienne. Nous reviendrons sur l’étrange motif donné à cette décision, et nous nous permettrons d’en contester la justesse. Mais poursuivons l’histoire des vicissitudes que le Théâtre-Italien a subies dans ces derniers temps.

Comme si cette brusque dépossession et cet exil loin du centre de Paris n’eussent pas suffisamment empiré la situation de ce théâtre, un second vote des chambres, sur le budget du ministère de l’intérieur, a supprimé la subvention de 70,000 francs qu’il recevait à la suite des autres théâtres royaux, tous beaucoup plus richement dotés.

Aujourd’hui, au déclin de la seconde saison, l’on ressent déjà les désastreux effets de cette double faute, que l’on reconnaît sans doute, mais que l’on ne songe point encore à réparer. Trompés dans leur attente, dans leur désir, dans leur droit en quelque sorte (car ils avaient reçu des promesses), les abonnés, qui ne peuvent supporter plus long-temps le dérangement de leurs habitudes et la longueur d’un double voyage pendant les nuits de la plus rigoureuse saison, menacent de quitter l’hiver prochain des loges occupées par eux depuis vingt ans, et que naguère on cédait comme un héritage. Qu’un nouveau motif leur soit fourni ; que, par exemple, l’imminente retraite de Rubini vienne à être officiellement annoncée ; qu’enfin quelques grandes dames, de celles dont l’exemple fait loi dans le beau monde, déclarent qu’elles abandonnent la place aux rentiers du Luxembourg, et peut-être parmi ce public élégant, sur qui la mode règne plus encore que le goût de la musique, sera-t-il de bon ton de fuir le Théâtre-Italien, comme autrefois de s’y faire admirer ? Or, le Théâtre-Italien n’est pas constitué pour courir les chances de représentations bonnes ou mauvaises, les chances de ce qu’on nomme ailleurs le casuel. Formé par une réunion d’artistes éminens qu’il faut rétribuer suivant leur mérite et leur renommée, mais qui paient chaque jour de leur personne et ne présentent jamais de remplaçans, de doublures, comme on dit, il faut que le Théâtre-Italien trouve dans ses abonnemens le moyen, la certitude, d’avoir toujours chambrée complète ; il le faut, pour couvrir les dépenses énormes imposées par la réunion de plusieurs talens de premier ordre que se dispute l’Europe entière, que tous les théâtres étrangers mettent comme aux