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presque infini de cantons pressurés outre mesure par de petits chefs absolus qui paient une certaine redevance aux Amirs. Ces despotes, grands et petits, ont sans cesse les versets du Koran à la bouche, mais ne reconnaissent, par le fait, d’autre loi que leur caprice. Ils pouvaient mettre à mort, et cela s’est vu maintes fois, leurs femmes ou leurs concubines et leurs propres enfans, sans que personne y trouvât à reprendre. Fumer, mâcher le bétel ou l’areck, s’enivrer par tous les moyens connus dans l’Inde, chasser ou au moins tuer à loisir le gibier entassé dans les innombrables réserves ménagées à cet effet sur les bords du fleuve, telles sont leurs occupations habituelles. Ces enclos réservés, connus sous le nom de Shikar-Gahs, occupent à eux seuls une portion considérable du pays. On n’en compte pas moins d’une trentaine sur une seule rive, entre Hyderabad et Tatta. Ce sont autant d’obstacles à la culture et même à la navigation, car les clôtures descendent jusque dans le voisinage du chenal et interceptent le halage.

La masse de la population du Sindh est mahométane ; un quart environ de cette population suit la religion brahmanique. Sous le rapport ethnographique, comme sous le point de vue du climat et des productions, le Sindh est une terre de transition. Bien des races, autrefois distinctes, s’y sont croisées et confondues. Les Sindhis ou Sindhiens proprement dits sont la partie nomade de la population ; on les regarde comme les premiers habitans du pays. Convertis à l’islamisme, ils se sont mêlés par le mariage avec la race des conquérans. Il y a des mahométans dans le Sindh et des Hindous dans la province de Kutch qui reconnaissent les mêmes ancêtres. Les mahométans sont grands et bien proportionnés, très bruns ; ils portent les cheveux longs, ce qui les distingue des autres mahométans de l’Inde ; ils portent tous le bonnet, au lieu du turban (comme on a déjà pu voir dans la description que nous avons donnée de la ville de Karatchi). Les Hindous du Sindh ne diffèrent pas extrêmement de ceux de l’Hindoustan ; ils ont le teint plus clair que les mahométans. On voit aussi dans le Pandjâb quelques Sikhs de la caste ou tribu des Lohanies ; ceux-ci et les Hindous se livrent exclusivement au commerce.

Le fanatisme religieux est porté par les musulmans au plus haut degré. En tout ce qui touche aux pratiques extérieures de la dévotion, les Sindhiens sortent de leur apathie habituelle ; aussi dit-on d’ordinaire qu’ils n’ont de zèle que pour célébrer la fête de l’Ide[1],

  1. La principale de leurs fêtes religieuses.