Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/546

Cette page a été validée par deux contributeurs.
542
REVUE DES DEUX MONDES.

contre les Ausone du temps, n’invoquaient pas d’autre exemple que celui de saint Paulin même ; c’est ce que fit dans un petit écrit particulier M. Singlin, lequel, à son tour, rappelait dans ses prédications saint Césaire. Pour apprécier toute l’originalité de Racine, il est besoin de remonter à Euripide ; pour embrasser celle de Port-Royal, il n’est pas nécessaire de sortir de la Gaule ; on a l’île de Lérins. D’Andilly, dans ses Vies des Pères des Déserts, allait traduire Cassien et l’avait même déjà annoncé, lorsqu’il en fut empêché par les scrupules qu’on lui donna sans doute sur le semi-pélagianisme du solitaire trop indulgent. Mais on peut dire de Cassien, dans l’enceinte de Port-Royal, qu’il y brille par son absence, et que le plus fidèle de son esprit s’y reproduit.

La grande différence entre le IVe siècle et cette première moitié du XVIIe, c’est que, dans ce dernier, si, à un certain moment, le cercle correspond, cela dure peu et qu’aussitôt l’on remonte, tandis que dans l’autre on descendait. On se traînait, tout allait finir ; ici tout est rapide, on se dégage ; on est à la veille du Louis XIV, tandis que là on était à la veille des barbares. Au lieu de Salvien qui fait l’oraison funèbre de la société et de saint Hilaire qui tonne aussi, on touche à Pascal et à Bossuet : on a déjà Polyeucte dans l’art. — Mais c’en est assez pour démontrer aux incrédules (s’il y en avait) le lien étroit que l’introduction de M. Ampère nous offre avec les siècles littéraires proprement dits, et combien, même en pleine étude des temps gallo-romains, il vise au cœur des époques toutes françaises.

La méthode de M. Ampère, qui reprend les choses dès l’origine et les embrasse dans tout leur cours selon chacune des branches de leur développement, a cet avantage de n’omettre aucune des influences et aucun des précédens, que les autres critiques n’ont saisis jusqu’ici que par un heureux hasard de coup d’œil ou de réminiscence, et comme à la volée. Pour lui, sa méthode est sûre ; elle est lente, mais inévitable ; il dispose ses lignes, il mesure ses bases, il croise ses opérations : on dirait d’un ingénieur sur le terrain faisant la carte de France. Le résultat, c’est qu’il n’oublie rien ; il serre si bien son réseau géographique qu’il prend tous les faits et que tout ce qui a nom y passe. Il y aura bien quelques redites ; il y aura même quelques points plus ou moins excentriques, ou trop sinueux, qui ne seront pas représentés ; mais, après lui, s’il parcourt le reste de la carrière comme il a commencé, il faudra marcher par les chaussées qu’il aura faites : heureux si l’on trouve encore à glaner par quelques sentiers !

C’est surtout pour le moyen-âge que cela est sensible. Cette portion