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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 janvier 1840.


Le vote de l’adresse avait ranimé les espérances du cabinet et donné aux ministres dirigeans plus de confiance dans leur avenir politique. L’administration n’avait pas été sérieusement attaquée ; même les orateurs les plus acerbes n’étaient pas montés à la tribune avec le projet de renverser le ministère. Ils ne voulaient que l’inquiéter et soigner en même temps leur propre situation dans la chambre. Point de plan d’attaque, point d’hostilités concertées ; le ministère n’avait rien à craindre ; il avait pour lui les souvenirs de la coalition, la terreur de tout ce qui aurait pu lui ressembler. Aussi n’a-t-il pas trouvé devant lui un corps d’armée, mais seulement des tirailleurs guerroyant chacun pour son compte. La victoire, si on peut employer ce mot dans un cas pareil, était plus facile. N’importe ; il est toujours bon et heureux de vaincre. L’essentiel est de savoir profiter de ses succès.

C’est ce que les amis du ministère n’ont cessé de lui dire. — Profitez des bons jours ; l’adresse n’est pas hostile : faites-en quelque chose. Reformez-vous, renforcez-vous ; donnez-vous une organisation plus forte, plus sérieuse. Ce n’est pas dans le danger, en face de l’ennemi, en lui prêtant le flanc, qu’on peut, sans crainte d’une défaite, se reformer, changer ses positions. Demandez plutôt à l’illustre capitaine qui vous préside. Qui mieux que lui connaît l’art de la guerre et tous les secrets du champ de bataille ? Aujourd’hui vous avez acquis de la force ; des hommes forts pourront s’allier avec vous. Aujourd’hui vous pouvez être écoutés ; le serez-vous demain ? — Le conseil était sage et devait plaire, ce nous semble, à la majorité du cabinet. Il a cependant eu le sort de la plupart des conseils : il n’en a pas été tenu compte. A-t-on cru que le ministère pouvait traverser tel qu’il est la session tout entière ? A-t-on craint que tout essai de réorganisation n’entraînât la dissolution complète du cabinet ? Sont-ce les personnes, sont-ce les choses qui ont tout empêché ? Nous l’ignorons. Nous savons seulement ce que tout le monde sait ; nous savons que le ministère a laissé échapper une occasion honorable pour lui, unique peut-être, de se reconstituer, de donner au pays une administration forte, proportionnée à l’importance des affaires, à la gravité des circonstances.