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pour passer généraux, selon l’expression d’un spirituel orateur. Dans cette partie de la chambre, la blessure est profonde, les ressentimens sont amers et les antipathies implacables. Là est le noyau d’opposition le plus formidable, quoique le moins nombreux, et si cette opposition ne se manifeste pas dans toute l’âpreté que lui donnent des griefs tout personnels et très légitimes, il faut l’attribuer, d’une part, au tempérament de la chambre, de l’autre à la situation que l’illustre chef du centre gauche s’attache à reprendre dans l’opinion gouvernementale, situation qui impose comme un premier devoir la modération dans la pensée et la mesure dans la conduite.

Le parti des anciens 221 reste étranger à ces querelles de famille ; et quoique les personnages portés aux affaires par la scission opérée dans les rangs du centre gauche ne soient assurément ni les hommes de ses complaisances, ni ceux de son choix, il ne saurait oublier que son initiative et son insistance ont plus que tout autre motif contribué à cette scission, originairement si difficile. Vous vous rappelez sans doute, monsieur, que ce fut du sein de la réunion Jacqueminot, constituée à l’ouverture de la session dernière, que partirent les propositions dont le premier résultat fut de porter M. Passy au fauteuil, par le concours des 221 et d’une faible partie du centre gauche. Ce jour-là l’œuvre fut consommée, et la formation de l’administration du 12 mai fut la conséquence logique et obligée de ce fait, dont je n’apprécie pas en ce moment la moralité, quant aux personnes, mais dont on ne saurait méconnaître les avantages politiques, il faut bien le dire, en se reportant aux circonstances où la coalition avait placé l’ancien parti conservateur.

Il était difficile que des hommes graves et désintéressés se fissent, contre le cabinet du 12 mai, une arme de la défection qu’ils avaient eux-mêmes provoquée ; il était à croire qu’ils sauraient pousser le sacrifice jusqu’au bout en maintenant un contrat sollicité par eux, au mépris de leurs affections et de leurs intérêts personnels. Cet exemple, ils ont su le donner, et le pays doit leur en tenir compte. L’ancienne majorité a estimé plus moral et plus politique d’imposer ses conditions au ministère, que d’user de sa force pour le renverser : ce renversement était parfaitement facile, puisque les boules des deux fractions légitimiste et puritaine auraient fait l’appoint de toute majorité systématiquement hostile ; mais il pouvait être sans résultat, et n’était pas sans danger. Dans les prudentes voies où s’est engagé le parti conservateur, il y a, au contraire, garantie pour ses opinions,