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portun qu’il paraît dans un moment où les peuples se montrent d’eux-mêmes disposés à entrer dans la noble carrière qu’il leur signale. Tout enseignement a besoin, pour être efficace, de trouver des ames suffisamment préparées. On n’éclaire profondément que les esprits qui aperçoivent déjà quelques lueurs.

La révolution de 1830 n’a pas été souillée d’un seul crime. La Suisse a vu, à la même époque, des cantons travailler, au milieu des révolutions dont ils étaient entourés, à la réforme de leurs institutions politiques, sans commotion aucune, par l’accord du gouvernement et du peuple. Enfin l’Angleterre donne au monde le spectacle d’une magnifique expérience. Dominée par le privilége dans la famille, dans l’état, dans l’église, l’Angleterre, si riche, si éclairée, si libre, doit nécessairement naturaliser chez elle le principe de la civilisation moderne, l’égalité civile. Mais c’est là pour les Anglais une révolution tout entière, une profonde révolution, inévitable cependant ; le canal de la Manche ne peut pas fermer à l’esprit moderne l’entrée de la Grande-Bretagne.

Cette grande révolution, l’Angleterre l’a déjà commencée par les voies légales, et la poursuit tous les jours. L’émancipation des catholiques et le bill de réforme en ont été jusqu’ici les deux faits les plus considérables. La résistance est grande, la lutte fort vive ; mais, à l’exception de quelques émeutes de prolétaires, sans appui sérieux dans le pays, tout se passe dans l’enceinte du parlement, et dans les limites que la constitution impose aux partis. L’Angleterre pourra-t-elle accomplir sa tâche difficile, contenir et diriger jusqu’au bout, dans les voies légales, une révolution qui doit modifier de si grands intérêts, et pénétrer jusqu’au cœur de si puissantes institutions ? Nul ne le sait ; mais il n’est pas d’ami de la liberté et du progrès qui ne fasse des vœux pour l’accomplissement d’un fait qui serait une admirable leçon de sagesse et un témoignage irrécusable de la haute civilisation de l’Europe.

M. Droz a placé le terme de la première période de la révolution au 21 septembre 1789, au jour où l’assemblée constituante compléta, par un dernier décret sur le veto suspensif, son travail sur les bases principales de l’acte constitutionnel. Les deux chambres et le veto absolu avaient été rejetés, bien que Mirabeau lui-même eût soutenu le veto illimité ; Mounier, Lally-Tollendal, Clermont-Tonnerre et Bergasse donnèrent leur démission de membres du comité de constitution. Les hommes qui pouvaient se flatter de diriger la révolution