Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/354

Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
REVUE DES DEUX MONDES.

nous voyons Amalfi obéir à ses sympathies, se détacher de l’alliance, et, secondée par Guaifar, prince de Salerne, et la flotte de Gaëte, menacer Naples qui persistait[1].

Vers ce même temps, le pape Jean VIII avait remis 10,000 mancosi au consul d’Amalfi Pulcharis, sous la condition que celui-ci défendrait avec sa flotte les côtes du duché de Rome. Le consul prit les 10,000 mancosi et n’arma pas un seul navire. Ces petites républiques d’Italie ne se piquaient pas, du reste, d’une parfaite orthodoxie ; car, tandis que les consuls d’Amalfi rançonnaient ainsi le pape, nous voyons les Vénitiens faire le commerce d’esclaves chrétiens, en dépit des menaces de leurs doges, qui du moins n’étaient pas complices de cet infâme trafic ; nous voyons enfin l’évêque et duc de Naples Athanase recevoir un subside du pape et traiter avec les Sarrasins. Le pape eut recours à ses armes ordinaires contre Athanase et Pulcharis : il les excommunia. Pulcharis rendit l’argent et ne secourut pas le pape ; les Sarrasins venaient de s’emparer du port de Cetara, à six milles d’Amalfi, et il fallait les en expulser.

Ce fut peu d’années après avoir chassé les Maures de Cetara, qu’à la suite d’une guerre désastreuse contre la république de Sorrente, leur voisine, les Amalfitains, mécontens de leurs comtes ou consuls, qui, à l’exception de Pulcharis et de Sergius III, avaient, depuis la magistrature de Mauro en 872, été tous ou déposés ou chassés, essayèrent de fortifier le pouvoir en le rendant plus stable. Ils remplacèrent donc leurs consuls triennaux par des magistrats à vie, auxquels ils donnèrent le nom de doges. Quoique le peuple prît part à l’élection de ces doges, sans nul doute l’aristocratie de la république provoqua cette révolution. Ce nom de doge, donné au premier magistrat d’Amalfi, devait le distinguer des ducs feudataires ; les Amalfitains, en effet, ne s’étant jamais soumis aux Lombards, n’avaient adopté ni leurs lois ni leur système de féodalité. Leurs formes de gouvernement étaient plutôt romaines ; ils n’avaient pris des Grecs que les titres honorifiques.

Lorsqu’en 840 Amalfi s’était déclarée indépendante des gouverneurs napolitains, elle n’avait pas cependant renoncé absolument au patronage des empereurs grecs. Une sorte de contrat tacite d’affranchissement s’était établi entre la république et les Césars d’Orient, contrat tout à l’avantage des Amalfitains, qui, n’ayant ni redevance à payer ni serviles hommages à rendre à ces empereurs (leur nom n’était plus même mentionné en tête des actes de la république), se servaient dans l’occasion de leur patronage comme d’un bouclier. Du reste, ils battaient monnaie, s’imposaient eux-mêmes, votaient leurs lois, nommaient leurs magistrats, et construisaient de puissantes flottes sans avoir de comptes à rendre à qui que ce fût. Seulement, après l’élection de leurs magistrats, consuls ou doges, ils en demandaient, mais uniquement pour la forme, la confirmation à l’empereur ; celui-ci l’accordait aussitôt, joignant au

  1. Manu-Cusi, coniati a Mano. — V. Zaneti, Racolta delle Monete, tom. III, pag. 373.