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DE LA POLITIQUE ROMAINE.

c’est pour la sûreté des provinces et pour le salut de l’Italie[1], que César doit prendre en main le pouvoir suprême ; il faut qu’il relève et raffermisse la chose publique.

Pour réussir, trois moyens s’offrent à lui.

Qu’il embrasse d’abord, d’un même regard, toutes les branches de l’administration, tous les membres de l’empire. « Organiser à la fois les terres et les mers ; » voilà la première tâche. Son importance rassure quiconque connaît César : de minces détails ne seraient peut-être point accessibles à un génie tel que le sien ; mais aux grands travaux les grandes gloires.

En second lieu, qu’il écrase la faction de la noblesse, faction d’hommes corrompus et lâches, mais qui, compacte et armée, gouverne avec insolence non-seulement les nations sujettes, mais le peuple romain et le sénat. Aussi ce sénat, dont la sagesse faisait autrefois l’espoir de la république dans ses périls, flotte çà et là, poussé par le caprice, et décidant des intérêts de l’état, au gré de la haine et de l’arrogance de ceux qui le dominent. Quelques nobles, avec un petit nombre d’auxiliaires de leur faction, sont maîtres d’approuver, de rejeter, de décréter ; ils règnent[2].

Pour rendre de la force au sénat, il faut augmenter le nombre de ses membres, et établir le vote au scrutin secret. Le scrutin sera une sauve-garde à l’abri de laquelle les esprits oseront se prononcer avec plus de liberté ; dans l’augmentation de ses membres, ce corps trouvera plus de force et d’action. »

Enfin, César doit régénérer la masse même du peuple, qui s’est dépravée au sein de la corruption générale, qui a fait de sa liberté et de la chose publique un trafic honteux. Autrefois, la multitude était souveraine et en possession de commander aux nations de la terre ; mais elle s’est désorganisée ; et, au lieu d’une part dans l’autorité publique, chacun s’est créé sa servitude particulière. Or, cette multitude, d’abord infectée de mauvaises mœurs, puis adonnée à une diversité infinie de métiers et de genres de vie, composée d’élémens incohérens, est devenue impropre au gouvernement de l’état. Il faut la mélanger par l’introduction de nouveaux citoyens pris dans les classes les plus honorables des provinces. « J’ai grand espoir, dit l’auteur des lettres, qui se croit obligé, par décence, de parler un peu de liberté ; j’ai grand espoir qu’après ce mélange, tous se ré-

  1. Sallust., Ep., II, 5, 6, 8.
  2. Ep., I, 10 ; II, 7.