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qui leur promettait quelque soulagement présent[1]. La gravité des circonstances semblait autoriser même les ambitions les plus indignes, et César n’était pas le seul à dire hautement : « Qu’est-ce que la république ? — Un mot, une ombre sans réalité[2]. »

Parmi tous ces ambitieux, patriciens ou plébéiens, qui, l’œil fixé sur la catastrophe prochaine, ne se bornaient pas à la prévoir, le plus dangereux pour le gouvernement de Rome, sans doute, était César ; et les provinces l’avaient de bonne heure ainsi jugé. Allié de Marius et gendre de Cinna, ce descendant des Jules avait joué, dès l’âge de seize ans, un rôle marquant dans le parti démocratique, auquel se rattachaient alors les Italiens, non encore affranchis. Il trouvait devant ses pas la route de la popularité toute frayée par sa famille ; car sans compter les actes de Cinna et de Marius, la grande et humaine loi qui avait terminé la guerre sociale, en conférant le droit de cité aux Latins, la loi Julia portait le nom d’un de ses proches. Lui-même consacra les premières inspirations de son éloquence à plaider au forum pour des provinces opprimées ou spoliées[3]. On le vit aussi, hors de l’Italie, traîner des préposés romains devant les tribunaux des préteurs, et couvrir, du plus grand nom et du plus grand génie de Rome, ce dangereux protectorat des peuples conquis. Durant ses courses nombreuses en Grèce et en Asie, il se liait avec les hommes les plus notables ; il contractait, avec les sénats locaux et les villes, de ces engagemens d’hospitalité, sacrés chez les anciens, et qui se transformèrent plus tard en alliances politiques, quand il eut besoin de les invoquer. On peut croire que César tira plus d’un profit de ces voyages intéressés, qu’ils développèrent chez lui ce cosmopolitisme d’idées et de sentimens qu’il porta plus loin que tous ses contemporains ; qu’enfin la fréquentation des nations étrangères, la connaissance de leurs mœurs, l’étude de leurs besoins, l’aidant à mieux comprendre leurs droits, effacèrent dans son ame jusqu’aux derniers préjugés du Romain et du patricien.

Des lois, dont l’intention n’était pas équivoque, signalèrent son premier consulat. Une d’elles portait des pénalités rigoureuses contre la concussion[4] ; une autre affermissait sur des bases nouvelles l’in-

  1. Sall., Catil., 41. — Appian., Bell. civil., II, 4. — Cicer., in Catil., III, 2, 5. — Flor., IV, 1. — Cf., Histoire des Gaulois, II, 265 et suiv.
  2. Suet., J. Cœs., 77.
  3. Suet., J. Cœs., 4. — Plut., J. Cœs., 3, 4. — Tacit., De Caus. corrupt. eloq., 34.
  4. De repetundis. — Cicer., Fam., VIII, 7 ; Pison, 16, 21, 37 ; Rabir., 4 ; Vatin., 12 ; ad Attic., V, 10, 16. — Suet., J. Cœs., 43