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lumes les travaux et les documens, ne pourrait aujourd’hui trouver d’écueils et de naufrages que dans les exagérations et les excès où quelques-uns cherchent encore à l’entraîner. Elle a pour elle l’autorité d’un demi-siècle, l’adhésion morale des peuples, et désormais ses ennemis seront impuissans contre elle, tant qu’elle saura se montrer intelligente et modérée. Les jacobins en avaient si fort dépravé le génie, que Napoléon put fonder sa dictature, non-seulement sur la gloire, mais sur le mépris systématique des théories et des idées, et faire de sa volonté une sorte de destin qui remplaçait à la fois la Providence et la liberté. Une recrudescence de folies démagogiques pourrait seule aujourd’hui faire reculer la civilisation libérale de la France et de l’Europe. C’est ce dont, malheureusement, ne paraît pas convaincu M. Buchez, qui a cherché à rajeunir les théories du jacobinisme en leur donnant une base chrétienne. L’éditeur de l’Histoire parlementaire a tenté de jeter les fondemens d’un système qui pût s’appuyer à la fois sur Jésus-Christ et Robespierre. Le christianisme rejette à coup sûr cet amalgame : la philosophie désavoue une doctrine qui étouffe son indépendance sous le joug d’un mysticisme étroit et cruel, et la liberté se trouverait encore une fois compromise, si elle pouvait un seul instant chercher ses inspirations dans des paradoxes aussi profondément erronés.


Lerminier.